Avis |
|
par Lavax 300
|
21.02.2008 15:56 |
|
|
Style, qualité d'écriture |
|
Originalité des situations |
|
Description des scènes d'amour |
|
Intérêt de l'histoire |
|
Note Générale |
|
Les plus : Langue "canaille", petit traité de filouterie conté avec humour et violence, portée sociale du texte
les moins : Edition non annotée, structure un peu répétitive
Pour la présentation de l'édition, permettez-moi de renvoyer à l'avis suivant: ClubDesSens.fr > /products/review.html?ID=4468
La Vie des Courtisanes est le troisième dialogue de l'Arétin entre la Nanna et l'Antonia, qui se demandent quelle situation choisir pour la Pippa, fille de la Nanna: dans le premier dialogue, La Vie des Nonnes produit > vie des nonnes, la Nanna a raconté maintes petites histoires peu vertueuses concernant la vie en religion; dans le second dialogue, La Vie des Femmes Mariées produit > vie des femmes mariees, des scènes de la vie conjugale ont, avec noirceur et ricanements, dépeint la vie de la femme adultère. Ce troisième dialogue propose de comparer la vie de putain.
Voici donc cette Troisième Journée, si le coeur vous en dit.
L'argument Le putanisme se peut résumer de quelques mots:
"Les putains ne sont pas des femmes, ce sont des putains". Elles agissent en putain tout le temps qu'elles vivent en putain. Et comme rien ne vient que par tromperie en ce monde, "tout est bon à prendre". A la différence du second dialogue, ce troisième dialogue raconte la seule vie (bien remplie) de la Nanna. C'est un petit traité de ruses, de filouteries, de vols, de trahisons, et autres cruautés. La putanisme, dit la Nanna, c'est du miel dans la bouche, et un rasoir dans les mains. Prête à tout pour s'enrichir, la putain va jusqu'à faire disparaître les cure-dents qui traînent dans les poches de ses amants! Semer la discorde, susciter les haines, briser les amitiés: telle est sa fin:
"Nous leur donnons à manger jusqu'à nos étrons, jusqu'à nos marquis [entendez "nos menstrues"]*" (*Aucune annotation pour ce terme de "marquis": avouons que cela peut prêter à confusion.) Quelle violence verbale et physique: la langue n'est pas seulement canaille, "parce que grâce à elle, se font mille canailleries" (c'est ainsi que la Nanna et l'Antonia s'amusent à écorcher des grands noms de la tradition - on se demande si c'est par ignorance ou par révolte sociale), elle coupe comme le rasoir. Les putains font encore manger à leurs amants "une poignée de croûtes de mal français" (la syphilis)..., en sorte qu'on dira bien volontiers d'elles que la luxure est le moindre de leurs péchés: elles préfèrent arracher le coeur et la rate des autres!
Avis Beaucoup de culot dans ce dialogue, qui ne peut laisser indifférent. Il y a dans la trahison putanesque une violence telle qu'elle dépasse la filouterie, et l'appât du seul gain: quelque chose comme une révolte gronde, une colère, qui ici s'exprime par la violence des termes. La langue, chez l'Arétin, est à chaque fois mise au service de ses buts. Plus j'avance dans ce texte, plus je suis séduite par la qualité du style - ou du moins sa parfaite adéquation avec ce que l'auteur veut faire.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Commentaires |
|
par StephB 1999
|
21.02.2008 20:39 |
|
|
Pas le temps de le lire ce soir, j'aurai donc deux lectures pour demain...
|
|
|
par Cucurbita 300
|
22.02.2008 01:37 |
|
|
C'est super cette série d'avis !
Je sais pas si je peux déjà poser des questions, ou faut il attendre le dernier avis...
-Un message unique se dessine il au fur et à mesure de ces journées??! -Quel a été le contexte d'écriture?
merci lavax
|
|
|
par Lavax 300
|
22.02.2008 12:46 |
|
|
Bonjour Cucurbita, et merci beaucoup de ton gentil mot! Pour ta première question, je me réserve; je n'ai pas lu en entier les dialogues, et préfère attendre le dernier avant de voir s'il y a un message, et quel il est. Quelque chose d'une ambition à la Molière, cependant, se fait jour.
Pour le contexte d'écriture: je me reporte à l'introduction qu'Apollinaire fit de son édition en 1909-1910, mais il faut bien dire qu'on ne sait pas grand-chose. Historiquement, l'époque est celle de Charles Quint et de François 1er: l'Arétin reçoit tour à tour des présents de l'un et de l'autre, sans prendre parti, et sans être lié. C'est qu'il souhaite, dans le palais qu'il possède à Venise, sur le Canale Grande, palais aujourd'hui disparu, affirmer sa toute-puissance, sa liberté, son indépendance vis-à-vis des princes (alors qu'il est d'origine populaire, et que, culturellement, c'est un autodidacte). Il semble avoir vécu en généreux, son palais ouvert à tous. Six belles filles, appelées les Arétines, dirigaient sa demeure. Ses maîtresses ont été sans doute assez nombreuses, malgré quelque passion forte. Bien que publiés sur 2 ans, les Dialogues sont écrits en 48 jours...! D'où d'innombrables répétitions. Ils ont en commun bien des thèmes avec d'autres textes dont on ne sait encore vraiment s'ils sont ou non de l'Arétin - dont la Putain errante (à quoi l'Arétin fait au reste allusion dans l'un de ses dialogues). Les Dialogues font mention d'événements et coutumes que malheureusement l'édition Allia ne permet guère de repérer.
Il est en tout cas certain que le contexte de la syphilis est essentiel pour comprendre cet intérêt pour la prostitution (qui constitue le thème essentiel du texte, sans dévoiler trop!): le mal napolitain, ou le mal français se répand alors principalement par le biais de la prostitution, par les villes, l'émigration: les armées de soldats (étant allés voir les prostituées) véhiculent la syphilis d'un pays l'autre. Dans les Dialogues, ce thème est redondant, et d'ailleurs l'Antonia a attrapé la syphilis. C'est donc une époque où l'expansion de la syphilis invite à réfléchir, sous une forme spécifique, sur la question de la prostitution. On verra d'ailleurs apparaître un peu plus tard, dans les siècles qui suivent, l'idée selon laquelle une hygiène publique doit se faire jour, et une police de santé.
|
|
|
par blue 300
|
22.02.2008 18:43 |
|
|
Pas de tromperie, pas de prostitution pour les célibataires, mais contre quoi l'Arétin va t-il trouver à nous mettre en garde au prochain opus ? ... le suspens n'a jamais été si palpable sur le CDS !
|
|
|
par Lavax 300
|
22.02.2008 19:24 |
|
|
mdr!! Merci de ta patience....! :)
|
|
|
par Aretina 399
|
22.02.2008 22:55 |
|
|
Oho! Mon coeur me le dit, et comment! :)
Merci Sheherezade des Sens! :)
Ainsi du propre père de l'Arétin qui fut sans doute cordonnier - quand l'Arétin s'imaginait quelque origine noble.
Aretin n'a jamais été très content de ses origines modestes...
Sinon, pour l'époque, emprunter le chemin de la prostitution etait une option que beaucoup de jeunes filles embrassaient. Il y avaient des familles qui, en estimant que leur fille était assez belle, faisaient de sorte qu'elle soit remarquée par quelque personnage aisée ou même noble.
Merci encore, Lavax! :)
|
|
|
par Lavax 300
|
22.02.2008 23:21 |
|
|
Eh, Arétina, c'est moi qui te remercie! Et de ta première lecture des Sonnets qui m'a donné envie de découvrir cette partie de l'oeuvre de l'Arétin!
|
|
|
|