Avis |
|
par Lavax 300
|
11.08.2006 00:23 |
|
|
Style, qualité d'écriture |
|
Originalité des situations |
|
Description des scènes d'amour |
|
Intérêt de l'histoire |
|
Note Générale |
|
Les plus : Un des grands romans d'Aragon, écrit dans une prose poétique, grande maîtrise de la langue française
les moins : Aucun
Ce roman fait partie d'un ensemble intitulé "La Défense de l'Infini" - qui ne fut jamais publié, parce qu'Aragon le brûla en 1927 à Madrid dans des circonstances mal connues (sans doute se heurtait-il alors au groupe surréaliste dont il faisait partie): "Que voulait démontrer cet autodafé, et pour qui? c'est mon affaire, c'est mon affaire", écrit-il. De l'autodafé il ne reste que le roman publié 6 mois plus tard dont il est question ici. A sa sortie, Jean Paulhan le salue comme étant un chef d'oeuvre de la littérature érotique. Aragon n'a cependant jamais reconnu ce livre, qu'il signa "Albert de Routisie".
Par comparaison avec "Les Aventures de Jean-Foutre la Bite" du même Aragon, qui, bien qu'écrit après 1929, ne fut édité qu'en 1986 chez Gallimard par Edouard Ruiz, - texte plein d'humour qui raconte les facéties de La Bite et de Petitcon, "Le Con d'Irène" n'est pas un texte drôle. C'est un hymne au sexe de la femme, "à sa fente humide et douce", à son alcôve, à son église, un long poème (habité par l'alexandrin) plein de disgressions où l'écriture est sensualité, jouissance. Ce n'est pas un récit coquin, ce n'est pas un jeu. L'écriture se fait chair, chaque mot conduit à l'orgasme. Le vocabulaire d'Aragon est celui-là même que recueillit Guiraud dans son admirable dictionnaire érotique - on y découvre beaucoup.
Voici une célèbre description du "con":
"Ce lieu, ne crains pas d’en approcher ta figure, et déjà ta langue, la bavarde, ne tient plus en place, ce lieu de délice et d’ombre, ce patio d’ardeur, dans ses limites nacrées, la belle image du pessimisme. Ô fente, fente humide et douce, cher abîme vertigineux.
C'est dans ce sillage humain que les navires enfin perdus, leur machinerie désormais inutilisable, revenant à l'enfance des voyages, dressent à un mât de fortune la voilure du désespoir. Entre les poils frisés comme la chair est belle sous cette broderie bien partagée par la hache amoureuse, amoureusement la peau apparaît pure, écumeuse, lactée. Et les plis joints d'abord des grandes lèvres bâillent. Charmantes lèvres, votre bouche est pareille à celle d'un visage qui se penche sur un dormeur, non pas transverse et parallèle à toutes les bouches du monde, mais fine et longue, et cruciale aux lèvres parleuses qui la tentent dans leur silence, prête à un long baiser ponctuel, lèvres adorables qui avez su donner aux baisers un sens nouveau et terrible, un sens à jamais perverti.
Que j'aime voir un con rebondir.
Comme il se tend vers nos yeux, comme il bombe, attirant et gonflé, avec sa chevelure d’où sort, pareil aux trois déesses nues au-dessus des arbres du Mont Ida, l’éclat incomparable du ventre et des deux cuisses. Touchez mais touchez donc vous ne sauriez faire un meilleur emploi de vos mains. Touchez ce sourire voluptueux, dessinez de vos doigts l’hiatus ravissant (...) Ne bougez plus, restez, et maintenant avec deux pouces caresseurs, profitez de la bonne volonté de cette enfant lassée, enfoncez, avec vos deux pouces caresseurs écartez doucement, plus doucement, les belles lèvres, avec vos deux pouces caresseurs, vos deux pouces. Et maintenant, salut à toi, palais rose, écrin pâle, alcôve un peu défaite par la joie grave de l’amour, vulve dans son ampleur à l’instant apparue. Sous le satin griffé de l’aurore, la couleur de l’été quand on ferme les yeux.
Ce n’est pas pour rien, ni hasard ni préméditation, mais par ce BONHEUR d’expression qui est pareil à la jouissance, à la chute, à l’abolition de l’être au milieu du foutre lâché, que ces petites soeurs des grandes lèvres ont reçu comme une bénédiction céleste le nom de nymphes qui leur va comme un gant. Nymphes au bord des vasques, au coeur des eaux jaillissantes, nymphes dont l’incarnat se joue à la margelle d’ombre, plus variables que le vent, à peine une ondulation gracieuse chez Irène, et chez mille autres mille effets découpés, déchirés, dentelles de l’amour, nymphes qui vous joignez sur un noeud de plaisir, et c’est le bouton adorable qui frémit du regard qui se pose sur lui, le bouton que j’effleure à peine que tout change. Et le ciel devient pur, et le corps est plus blanc. Manions-le, cet avertisseur d’incendie. Déjà une fine sueur perle la chair à l’horizon de mes désirs. Déjà les caravanes du spasme apparaissent dans le lointain des sables (...) Je n’ai pas bu depuis cent jours, et les soupirs me désaltèrent. Han, han. Irène appelle son amant. Son amant qui bande à distance. Han, han. Irène agonise et se tord. Il bande comme un dieu au-dessus de l’abîme. Elle bouge, il la fuit, elle bouge et se tend. Han. L’oasis se penche avec ses hautes palmes. Voyageurs vos burnous tournent dans les sablons. Irène à se briser halète. Il la contemple. Le con est embué par l’attente du vit. Sur le chott illusoire, une ombre de gazelle...
Enfer, que tes damnés se branlent, Irène a déchargé."
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Commentaires |
|
par Mien 300
|
13.02.2008 08:04 |
|
|
Je ne doute aucunement de la valeur de votre avis, Lavax, ni évidemment de la qualité du texte lui meme. Mais je me range lâchement derrière Tonton Georges et crie avec lui que ce mot de 3 lettres pour nommer un endroit si charmant est une insulte au corps de la femme : "Honte à celui qui l'employa le premier"... Pour information et pour le plaisir, le texte de Brassens (Le Blason) :
"Ayant avecques lui toujours fait bon ménage J'eusse aimé célébrer sans être inconvenant Tendre corps féminin ton plus bel apanage Que tous ceux qui l'ont vu disent hallucinant.
Ceût été mon ultime chant mon chant du cygne Mon dernier billet doux mon message d'adieu Or malheureusement les mots qui le désignent Le disputent à l'exécrable à l'odieux.
C'est la grande pitié de la langue française C'est son talon d'Achille et c'est son déshonneur De n'offrir que des mots entachés de bassesse A cette incomparable instrument de bonheur.
Alors que tant de fleurs ont des noms poétiques Tendre corps féminin' c'est fort malencontreux Que la fleur la plus douce la plus érotique Et la plus enivrante en ait de plus scabreux.
Mais le pire de tous est un petit vocable De trois lettres pas plus familier coutumier Il est inexplicable il est irrévocable Honte à celui-là qui l'employa le premier
Honte à celui-là qui par dépit par gageure Dota de même terme en son fiel venimeux Ce grand ami de l'homme et la cinglante injure Celui-là c'est probable en était un fameux.
Misogyne à coup sûr asexué sans doute Au charmes de Vénus absolument rétif Etait ce bougre qui toute honte bue toute Fit ce rapprochement d'ailleurs intempestif.
La malpeste soit de cette homonymie C'est injuste madame et c'est désobligeant Que ce morceau de roi de votre anatomie Porte le même nom qu'une foule de gens.
Fasse le ciel qu'un jour, dans un trait de génie Un poète inspiré que Pégase soutient Donne en effaçant d'un coup des siècles d'avanie A cette vraie merveille un joli nom chrétien
En attendant madame il semblerait dommage Et vos adorateurs en seraient tous peinés D'aller perdre de vue que pour lui rendre hommage Il est d'autre moyen et que je les connais Et que je les connais."
J'en profite pour ajouter un petit rappel d'étymologie : http://www.aupresdesonarbre.com/jcv/vocable.htm
NB : désolé Lavax pour la pollution ^^
|
|
|
par Lavax 300
|
13.02.2008 14:29 |
|
|
Bonjour Mien!
Comme le notent Ernout et Meillet, l'origine grecque probable de "con" est kusos (trou) d'une part, et kusthos (parties de la femme) d'autre part. Deux termes qui renvoient sans doute au sanskrit cushi, qui signifie "fossé".
Le latin cunnus, qui est déjà employé comme un terme obscène à Rome, notamment chez Horace, a deux sens: - le vagin, et ses désignations obscènes; - la femme en tant qu'elle est considérée comme de moeurs légères.
D'après le Cassell's Dictionary of Slang, la racine cu- apparaît comme une racine qui implique de manière essentielle la féminité (cf aussi l'anglais cunt, l'allemand Kunte, le scandinave kunta, kunte). Ceci est à rapprocher des mots égyptiens qefen-t et ka-t, le premier signifiant vagin et vulve; le second désignant le vagin, la vulve, mais encore la mère, et les femmes dans leur ensemble.
Ces remarques nous montrent que l'origine du mot "con" est essentiellement féminin, et que ce n'est que de manière figurée et étendue, en guise d'insulte, sous l'influence d'autres mots (connart), qu'il est venu désigner un individu en un sens injurieux.
Loin que le sexe de la femme soit ainsi entaché d'une insulte, c'est l'inverse qui s'est passé: - le mot à l'origine désigne le sexe féminin en lui-même, et par extension, la mère et les femmes; - il acquiert un sens obscène, désignant le sexe de la femme; - par extension, désigne les femmes légères; - très tardivement, il désigne, en guise d'injure, un individu; - par un tour assez étonnant, quelques personnes du vingtième siècle n'entendant plus l'histoire du mot, inversent cette histoire, et font du con-individu l'origine du con de la femme: qui est le misogyne? :) Il aurait été souhaitable que Brassens connût davantage l'histoire de la langue française (ce qui n'empêche pas de l'aimer bien écouter).
Si, enfin, vous aimez les blasons, je vous conseille le Blason du Con, de Claude Chappuys, 1536: "Petit mouflard, petit con rebondy, Petit connin plus que levrier hardy...", etc... Celui-ci est écrit en langue, car jamais "malpeste" ne fit Marot, ni Scève!
|
|
|
par Nicolas6961 300
|
13.02.2008 18:33 |
|
|
et moi je me rappelle une chanson de Pierre Perret que j'adore, "Celui d'Alice"
EDIT : bon c'est trop long, personne ne va me lire alors je vous fais juste le premier et le dernier couplet. Attention, je vais chanter ! :o)
Si je me réfère A mon dictionnaire Il est temps de faire La définition De ce mot espiègle Qui échappe à la règle Plus noble qu'un aigle Dans sa condition Ce mot vous le dites Censeurs hypocrites Etablissez vite Son vrai sens profond Car si on l'ausculte Au lieu d'une insulte On peut faire un culte Du joli mot con
(...)
O tendre blessure Divine échancrure Sous votre toiture De satin frisé Du petit losange Filtre l'eau du Gange Entre mes phalanges Soudains baptisées Que la cicatrice Si jolie Alice Jamais ne guérisse Mes amis sinon Dans ce monde triste De baiseurs centristes Qui jouent en solistes Je me sens si con
On a la version non expurgée là : http://www.paroles.net/chanson/12422.1
|
|
|
par Lavax 300
|
13.02.2008 22:04 |
|
|
Hihi, belles interprétations, messieurs! On a aussi: - La marchande de c..., de Charles Collé, 1730; - Le visiteur de c..., Anonyme, 1755 (la Constitution de l'hôtel-du-roule) - Le C..., imité du Lac de Lamartine, Albert de la Fizelière, 1864
Par parenthèses, je ne sais pas où l'auteur de la petite page sur le fameux vocable a trouvé (chez Alain Rey?? Je n'ai pas vérifié. Il y a des erreurs dans le Dictionnaire historique pour certains domaines; à voir donc) que c... se fait rare entre le milieu du XVII eme et la seconde moitié du XIX eme. Cela ne correspond pas du tout à mes lectures.
Quant à "noc", il est tout à fait attesté dès le milieu du 16 eme (chez Etienne Jodelle, par exemple).
|
|
|
par patrico75 75
|
02.09.2009 15:43 |
|
|
Je serais un peu de l'avis de Nicolas.... Malgré ses origines,le mot "con" ne vaut pas "chatte" ou "foufoune",quand même plus mignons...!!!!!!!!!!!!! Cela dit,je voudrais signaler qu'ARAGON s'est marié avec ELSA (triolet),parce qu'elles étaient 4 soeurs...!!! et , tandis qu'il écrivait ses "poemes à Elsa" (mis en chansons par J. Ferrat ),il publiait "Le Con d'Irene" (sa soeur),et honnorait ses 2 autres belle-soeurs.....alors,le Mariage comme ça....Oui, pas mal...!!! On comprend mieux ses idées politiques (communiste..!!!);bien que cette polémique soit inutile ici.... Petite réflexion (et non con-damnation..!!!!) en passant!!! Bisous à tout le Monde...ici... Patrico.
|
|
|
par patrico75 75
|
02.09.2009 15:44 |
|
|
Oui, de Mien,voulais-je dire, sorry..!!
|
|
|
par DouK 123
|
02.09.2009 17:49 |
|
|
patricio75 dit: "Cela dit,je voudrais signaler qu'ARAGON s'est marié avec ELSA (triolet),parce qu'elles étaient 4 soeurs... et , tandis qu'il écrivait ses "poemes à Elsa" ...,il publiait "Le Con d'Irene" (sa soeur),et honnorait ses 2 autres belle-soeurs...!!!"
Tu aurais des références de tout cela ?
|
|
|
par patrico75 75
|
02.09.2009 21:35 |
|
|
Bonne question; j'en ai eu connaissance dans des écrits psy. (confreres);par hasard,en lisant des livres sur Brassens (!!!!!); et en recherchant (longuement) sur les sites "google" au nom Aragon, et tout,famille,belle-soeurs,écrits..... etc.,etc;....!!! Patrico
|
|
|
par pastague 55
|
21.09.2012 02:29 |
|
|
Rapprocher le pétillant Brassens du pompeux Aragon ... Quelle idée ! Même les extraordinaires mises en musique de Léo Ferré ne sauraient faire oublier qu'Aragon a écrit :
Il revient! Les vélos, sur le chemin des villes, Se parlent, rapprochant leur nickel ébloui. Tu l'entends, batelier? Il revient. Quoi? Comment? Il Revient! Je te le dis, docker. Il revient. Oui, Il revient. Le wattman arrête la motrice: Camarade, tu dis qu'Il revient, tu dis bien? ... et ça continue comme ça un bout de temps dans un monument de ridicule tout à la gloire de Maurice Thorez !
Le Con d'Irène est à l'avenant : un remède contre l'amour. Comment aimer ces lourdes tartines ampoulées ? Aragon bandait ? Alleluia ! Mais franchement, lui fallait-il vraiment "battre le tambour avec ses parties génitales", comme dit si bien tonton Georges ? Allons ...!
|
|
|
|