Avis |
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par Lavax 300
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24.04.2007 23:01 |
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Style, qualité d'écriture |
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Originalité des situations |
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Description des scènes d'amour |
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Intérêt de l'histoire |
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Note Générale |
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Les plus : Roman important, écrit en un style simple et beau, qui dit la violence d'un amour
les moins : Fantasmes masochistes qui peuvent ne pas plaire, et dont la portée politique me paraît plus que douteuse
Pour la description de la publication de ce volume, je me permets de renvoyer à l'avis de Eve (ClubDesSens.fr > /products/review.html?ID=623 - signalons juste une petite coquille dans cet excellent avis: c'est non pas Sir Stephen qui emmène d'abord O au château de Roissy, mais René, son demi-frère).
C'est avec un préjugé défavorable que j'ai entamé la lecture d'Histoire d'O. Par ce qu'on m'en avait dit, je savais que cela ne correspondrait pas à mes goûts; mais comme il n'est jamais bon de ne pas lire un livre qui a marqué son époque, j'ai voulu faire l'effort de le lire, et ne l'ai point regretté.
C'est d'abord un style que j'aime beaucoup: simple, sec - proche assez de celui de Paulhan dans le "Pont traversé", ou "Progrès en amour assez lents", par exemple (petits ouvrages qui me sont chers). Pauline Réage, alias Dominique Aury, alias Anne Desclos, applique des procédures narratives, notamment au début et à la fin du roman, qu'on pourra juger un peu vieillies, mais qui restent pleines de charme. Son usage des conjonctions de coordination est aussi séduisant: les doubles "et", surtout les doubles "mais", qui sont inhabituels en français. Se dégage l'idée d'un arbitraire: tout aurait pu être autrement; un autre début, une autre fin; O aurait pu... O est libre... Libre d'être esclave. De la serviture volontaire! O pourrait se révolter, O pourrait partir, mais O désire être esclave. ---> Les esclaves aiment leur maître, ils désirent leur condition d'esclave. Les marques sur le corps, la loi à laquelle O doit obéir, elle les attend avec joie.
Plusieurs lectures possibles de ce livre: une lecture linéaire; la première, celle que chacun fait d'abord. Et là, pour moi, ce fut beaucoup de difficulté à avoir tout simplement envie de continuer. Aucun plaisir, de l'ennui aussi sans doute; la ritournelle des fantasmes: château, enfermement, fouet, loi du silence, interdiction de regarder les visages des maîtres, prostitution, marquage des corps.
Du fantasme seulement? sauf que Paulhan, l'homme de l'ombre, l'homme du secret, celui qui fit partie de la Résistance et des FFI, au sein même de Gallimard lors des années les plus sombres, semble avoir entretenu, avec sa maitresse, ce type de pratique. Dès lors, les récits prennent une atmosphère assez rude.
Mais, qu'importe. C'est de tout autre chose qu'il s'agit, et dont je veux vous faire part. Au deuxième chapitre - comme un second acte, apparaît la figure froide de Sir Stephen: la structure du roman en est transformée, et rétroactivement le premier acte aussi acquiert, dès lors, une tout autre dimension. Une seconde lecture devient non seulement possible, mais s'impose. Une violence absolue désormais se dégage - violence qui ne relève plus du fantasme, mais violence délirante. L'amour ne se dit que comme soumission, absence de soi à soi, don de soi à l'autre, mais don non-réciproque: absence délirante, un n'importe quoi, où O sombre, à quoi elle est réduite, mais réduite avec joie, guettant ici et là, quelques gestes de Sir Stephen qui trahirait quelque amour pour elle, comme un chien guette un geste d'affection de son maître.
Un texte qui ne me plaît pas, mais un grand texte - peut-être pas aussi grand que certains textes de Bataille, mais un texte dont j'ai été saisie, vraiment: par l'écriture, la violence, la beauté, le charme, alors même que l'expérience amoureuse et sexuelle dont il s'agit est à mille lieux de ce que je suis.
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Commentaires |
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par blue 300
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25.04.2007 00:07 |
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Quand je te lit lavax, la seule question qui me vient, c'est de savoir si l'ouvrage peut-être à la hauteur du commentaire...
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par Nautile 657
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25.04.2007 09:49 |
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Oui, blue, l'avis de Lavax me ferait presque aimer le livre ... O a marqué une époque, pas seulement avec les marques du fouet ! O a aussi porté la libéralisation sexuelle à la même époque qu'Emmanuelle s'imposait dans les salles obscures. Mais O est restée unique dans l'écrit (comme sur l'écran)alors qu'Emmanuelle s'est multipliée. O n'était pas ma tasse de thé. J'avais trop envie de caresser à l'époque pour avoir envie de fouetter (rassurez vous je n'ai pas changé !). Mais O interpelait. O vibrait dans cette soumission masochiste. O "innovait aussi dans cette société post 68 qui s'éveillait à la sexualité. Mais O est resté pour moi avec une odeur de souffre. Celle d'un monde a la limite de la bourgoisie et de l'aristocratie qui bien évidemment révoltait ma fibre révolutionnaire. Mais plus encore, cette soumission, cette attente de la souffrance pour obtenir le plaisir m'insupportaient. Comme Pauline Réage écrivait bien, je suis allé au bout du supplice. Pire même je suis allé voir le film ( très soft !). Mais je n'ai jamais ressenti la moindre parcelle d'érotisme dans l'un comme dans l'autre. Pourtant O vibre, O aime, O exprime O sublime sa soumission. Rien à voir avec une certaine Catherine.
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par Lavax 300
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25.04.2007 18:57 |
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Cher Blue, ton mot est fort aimable (comme toujours), mais permets-moi de te dire qu'il est erroné. Touchant l'écriture, on peut tout à fait reconnaître la grandeur d'un livre et ne pas l'aimer.
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par Nicolas6961 300
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25.04.2007 21:00 |
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Comme on peut aimer lire Sade mais pour autant le trouver réactionnaire. Tu ouvres un débat extrêmement intéressant, allez je me sens d'humeur taquine ce soir : les fantasmes de domination sont-ils de droite ?
Je crois en tout cas que si je suivais les miens je partirais élever des chèvres dans le Larzac immédiatement ou je referais Woodstock.
Bon bon d'accord, je sors ;-)
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par Lavax 300
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25.04.2007 21:44 |
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Nicolas, puisque tu n'hésites pas à y aller, je dirais carrément la chose ainsi: les fantasmes exprimés dans "Histoire d'O" me paraissent de quelque façon toucher à une vision "nazie" du monde. On s'entend: je ne dis pas que Pauline Réage fut nazie! loin de moins cette absurdité; au reste, Paulhan, comme je le rappelais, fut, dès la première heure, un FFI - je ne sais quels furent les engagements de Pauline Réage, et sans doute fut-elle proche des choix résistants de son amant. Mais je ne peux m'empêcher de songer que le désir de soumission absolue/ domination absolue n'est pas indifférent à une vision politique extrême du monde. Je ne pense pas, du coup, que l'opposition classique droite/gauche soit suffisante à penser cela; j'irais plus loin donc que tu ne fais, comme tu vois...
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par Nautile 657
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26.04.2007 10:06 |
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Je ne sais pas si le qualificatif que tu emploie Lavax est bien approprié. Cette horreur s'est plus appliquée à des races et des ethnies qu'à un sexe. De plus la nature de la domination était différente. Et puis c'est un qualificatif que je manie avec des "pincettes". Mais mon dégout pour ces comportements de soumission domination absolue n'a d'égal que mon rejet de toute domination d'un sexe vis à vis de l'autre. cela dépasse très largement mes critères de classement droite /gauche. Même ce que je peux ressentir vis à vis de l'extrême droite. Comment un individu ayant ce genre de pratiques, ce genre de besoins pourrait il avoir une vision du monde autre que déformée, autre qu'extrème. Ce qui rend d'ailleurs plus troublante la relation Réage-Paulhan que du décris. Mais là encore, entre ce que nous pouvons concevoir de généraliste sur des comportements humains ne peut pas toujours être appliqué à chaque cas particulier. Nicolas, les chèvres dans le larzac, ce n'est plus un bon plan ! mes copains de 68 en sont revenus. A moins que tu ne veuilles un jour prochain te lancer à la conquête de l'Elysée ?
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par blue 300
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26.04.2007 13:36 |
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Coucou Lavax, mon petit mot n'avait pas grande prétention. J'ai juste trouvé que ton analyse était très riche. Et l'idée qu'un commentaire peut être plus intéressant qu'un livre lui même me plaisait bien... Je n'ai pas dû être clair, car je n'ai rien voulu dire qui pourrait contredire le fait qu'"on peut tout à fait reconnaître la grandeur d'un livre et ne pas l'aimer".
Nautile, je crois aussi que tu as mal compris le message de Lavax: regarde elle dit justement qu'elle ne qualifierait pas l'auteur de "nazie". Il me semble donc qu'il y a les pincettes suffisantes. On peut trouver qu'il y a des similitudes dans les mécanismes internes en œuvre, sans pour autant être tombé dans la simplicité qui consisterait à dire que chercher une soumission ou une domination absolue, c'est forcément être un militant nazi. Il est effectivement important de rester dans la précision et la rigueur, ce qui était le cas. Je trouve très intéressant le lien proposé par Lavax entre"un désir de soumission/ domination absolu", "à une vision politique extrême du monde". Le refus de laisser place à l'expression contradictoire de la volonté, s'oppose à l'exercice du dialogue indispensable à la démocratie. Ainsi, toute vision politique qui refuse l'altérité en tant qu'ethnie, religion, ou pratique sexuelle suit le même principe que celui qui pousse à la volonté de faire disparaître l'altérité que constitue la volonté de l'autre (domination), ou celle que peut représenter la mienne (soumission). Ainsi, ce n'est pas un hasard si Hitler ne s'est pas limité à une discrimination ethnique et religieuse, mais aussi a envoyé les homosexuels dans les camps.
Finalement, je suis content que cet avis soit l'occasion de développer les liens entre masochisme et sadisme avec le refus de l'altérité, car je ne m'étais contenté que d'y faire un clin d'œil lors de notre discussion lors de l'avis sur "Yume No Q-Saku".
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par Lavax 300
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26.04.2007 13:47 |
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Merci, Blue, de rappeler que la question de l'homosexualité fut une question importante pour le régime nazi. On l'oublie souvent.
Mon propos était en effet minimal et simplement négatif: la représentation que nous avons du corps de l'autre, le rapport que nous avons à l'altérité dans le rapport sexuel ne peut pas ne pas, de quelque façon, dire quelque chose sur notre représentation politique du monde (sur les rapports de pouvoir qu'entretiennent au moins deux êtres humains, donc). De sorte qu'il me paraît légitime (à titre d'hypothèse, et à condition ensuite de donner matière, par un travail précis) de se demander dans quelle mesure telle structure fantasmatique peut ou non être liée à telle structure de représentation des rapports de pouvoir entre les hommes.
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par Nautile 657
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26.04.2007 15:29 |
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je me suis sans doute mal exprimé Blue. il est très clair pour moi que lavax n'assimilait pas Pauline Réage à une nazie. C'était juste l'emploi de ce qualificatif qui m'interpelait. ceci dit, je vous suis tout a fait sur la teneur du débat et le lien que l'on peut faire entre ces relations impliquant soumission /domination et des visions politiques du monde qui peuvent y être associées. L'association entre la relation entre les individus et la vision politique de choses.
Effectivement, les homosexuels mais aussi des ethnies qui restent discrètes ont subi les pires des tourments par la régime nazi. Il faut le rappeler !
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par blue 300
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27.04.2007 00:42 |
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Reviens Nicolas, on aime bien les taquins ici...
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par Lavax 300
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27.04.2007 00:56 |
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Nicolas, j't'appelle aussi! Bon, on va refaire une fiche ou aller sur l'histoire du trou du cul de Chateign! :D
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par blue 300
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27.04.2007 01:12 |
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C'est parti, allons y tous!
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par Lavax 300
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28.04.2007 17:35 |
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euh, je m'aperçois que ma formulation était un peu équivoque!! mdr! Chateign, si tu tombes sur le message du 27, ne m'en veux pas!! je peux plus rectifier à présent!!
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par Nicolas6961 300
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08.05.2007 19:48 |
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oui oui je suis là mais je teste comme un fou ! ;-) A bientôt.
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par pastague 55
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06.06.2010 11:58 |
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On peut penser ce qu'on veut de Lavax, c'est pas la simplicité qui l'étouffe !
Je signale pour ceux que que ça branche plus de lire des livres que de se laisser dicter ce qu'ils doivent en penser, l'excellent Histoire d'O de Guido Crépax, surement introuvable à c't'heure, mais beaucoup plus excitant finalement que l'original qui pêche par bien des côtés : ampoulé, psychologie à deux balles, prétentieux... son auteur (auteure si je ne m'abuse) était plus animée par ses propres passions que par une réelle qualité littéraire. Crépax, lui, dessine très bien.
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par Nicolas6961 300
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06.06.2010 17:40 |
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Ce n'est pas pour autant indispensable d'adopter un ton aussi polémique ! Enfin, je dis ça, je dis rien...
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