Scénario & Dialogues |
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Mise en scène & Réalisation |
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Jeu d'acteur |
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Scènes érotiques |
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Intérêt du film |
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Note Générale |
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Les plus : la moiteur de l'Indochine, l'éveil brûlant à la sexualité d'une adolescente
les moins : le phrasé insupportable de Marguerite Duras
J'ai vu ce film lorsque j'étais adolescente, il a eu un impact certain sur mes désirs. Bien sûr pour ma première fois je n'ai eu droit qu'à un jeune homme de mon âge, qui s'est débrouillé gentillement et honorablement, mais sans l'aisance et la dextérité que confère l'expérience. J'avais seize ans. C'était un mercredi après-midi, j'étais allée dans la grande maison vide au sol de marbre de ses parents. J'y étais allée pour ça, rien que pour ça. J'aurais voulu qu'il me prenne là, à peine passé la porte d'entrée, sur le sol de marbre dur et froid. Mais les adolescents sont pleins de convenances, il m'a aimablement et interminablement parlé puis emmenée à tâtons dans sa chambre et j'ai connu ma première pénétration sur un lit étroit, les volets clos, par lesquels passaient des rayons de soleil. C'est une chose que j'ai aimé. Après, je suis allée ouvrir ses volets, nue, mon corps en plein soleil. Il était terrifié que quelqu'un me voie. J'ai ri et refermé les volets. Je suis repartie tout de suite après, par le bus. Mon départ précipité l'a surpris. Je n'étais pas venue pour discuter. J'aimerais parfois reproduire cela. Ne venir que pour être possédée. Et repartir après. De cette première fois il me restera un éternel regret. Tan pis pour le sol de marbre. Dommage. On ne devrait jamais confier une première fois à un débutant.
Visiblement Marguerite Duras a eu plus de chance que moi. Ce film est l'adaptation de son roman autobiographique qui raconte les amours de la jeune Marguerite avec un homme fait, chinois de surcrois ô scandale. Nous sommes en Indochine dans les années 1930. Elle a quinze ans et demi et lui trente-deux. Elle vit dans la "Maison de Sadec", avec son institutrice passive de mère qu'elle aime et méprise, son frère aîné violent qu'elle craint et son frère cadet chétif qu'elle adore. La famille est ruinée, suite à la mort du père et aux mauvais investissements de la mère. La semaine elle poursuit ses études au lycée et loge à la pension Lyautey, du moins les rares nuits où elle ne va pas retrouver son amant dans la chambre obscure donnant sur la ruelle bruyante.
Elle ne l'aime pas, malgré les larmes des dernières scènes. J'aurai préféré la voir s'éloigner du rivage les doigts crispés dans la bouche et l'autre main serrant convulsivement son entre-jambe. Nous avons eu droit aux larmes du départ, plus conventionnelles. Tan Pis. Lui... éprouve de la tendresse et aimerait bien l'épouser, sans toutefois obtenir la permission de son père. Une putain blanche et pauvre? ô scandale. Mais l'aime-t-il vraiment? Hum, la question reste ouverte.
Ce qui les lie est ailleurs. "La jouissance qui fait crier". L'écriture de Marguerite Duras qui passe constamment du "je" au "elle" et semble ne pas connaître l'existence des mots de liaison est à vomir (la voix rocailleuse de Jeanne Moreau en voix off en rachète quelque peu le phrasé détestable), mais des petits bouts de lyrisme évocateurs sont à relever. Notamment cette jolie phrase: "Là où, chaque soir, les yeux clos, je me fais donner la jouissance qui fait crier." Elle met en exergue cette passivité face à un pourvoyeur de plaisir, mentor tout-puissant. Cette impuissance face à l'appel des sens, au mépris des conventions et autres bienséances. C'est aussi ce que j'aime dans ce film: leur différence d'âge scandaleuse, leurs milieux différents. Ils aiment s'égratigner au cours des dîners, elle lui jette ses honteuses origines chinoises à la figure, il lui répond que sans sa virginité elle ne pourra plus se marier. Double déshonneur qu'ils partagent comme ils partagent leurs corps enfiévrés. La famille de la petite vomira sur ce chinois tout en acceptant ses largesses, le père de l'héritier rejettera sans appel cette possible mésalliance.
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