Avis |
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par Lavax 300
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10.04.2008 18:17 |
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Scénario & Dialogues |
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Mise en scène & Réalisation |
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Jeu d'acteur |
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Scènes érotiques |
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Intérêt du film |
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Note Générale |
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Les plus : Musique, jeu des acteurs, photographie, traitement de la couleur
les moins : Thème, perversité des rapports humains
Caractéristiques Scénario: Liliana Cavani, Italo Moscati, d'après une histoire de Liliana Cavani, Barbara Alberti, Amedeo Pagani Photographie: Alfio Contini Musique: Daniele Paris, extraits de Mozart, et de Marlene Dietrich Durée initiale: 115 minutes Interdit, à sa sortie, en Italie Titre original: Il Portiere di Notte Titres français: Un Fameux Renard; Portier de Nuit Production: italienne: Italonegglio Cinematografico; Lotar Film Sortie aux USA: 1 er Octobre 1974. Je ne suis pas parvenue à repérer la date de sortie en France, date antérieure à celle de la sortie aux USA. Couleurs
Résumé Le film se passe à Vienne en 1957. Lucia (Charlotte Rampling) séjourne dans un hôtel, en compagnie de Atherton, son mari, grand chef d'orchestre américain, venu diriger la Flûte enchantée de Mozart. Max (Dirk Bogarde), portier de nuit de l'hôtel, reconnaît en Lucia une ancienne déportée qu'il avait connue alors qu'il était officier SS dans un camp de concentration, qu'il avait violée, et dont il avait fait sa maîtresse. Lucia avait 15 ans, alors; un corps de garçon, des cheveux coupés courts. Elle avait désiré Max, elle le désire encore. Leurs relations passées se renouent. Sauf qu'on ne sait plus bien qui est bourreau, qui est victime; les places s'inversent, se mélangent; de même la caméra alterne le regard du tortionnaire et celui de la déportée. Passé et présent se mêlent. Tout est confusion. Ainsi sans doute Liliana Cavani veut-elle nous faire éprouver la complicité du bourreau et de la victime, leur fonctionnement en couple. Il s'agit, dit-elle, d'analyser les limites de la nature humaine, de pousser les choses à l'extrême, "rien n'est fantastique que la réalité. C'est ce que je montre dans Portier de Nuit"
Avis Beaucoup de polémique autour de ce film, à cause de la perversité qui y est décrite, et de la beauté concomitante des acteurs, de leur jeu, de la mise en scène: Portier de nuit fait partie de ces films sur le nazisme où le spectateur est mis en position d'être fasciné.
En réalité, je partage assez la thèse de Foucault sur ce film, et j'ai le sentiment que Cavani part d'un contresens historique: "le nazisme n'a pas été inventé par les grands fous érotiques du XXeme siècle, écrit Foucault, mais par les petits bourgeois les plus sinistres, dégoûtants qu'on puisse imaginer. Himmler était vaguement agronome, et il avait épousé une infirmière. Il faut comprendre que les camps de concentration sont nés de l'imagination conjointe d'une infirmière d'hôpital et d'un éleveur de poules. Hôpital + basse-cour: voilà le fantasme qu'il y avait derrière les camps de concentration". Le rêve des nazis ne véhiculait aucun érotisme: c'était un "infect rêve petit bourgeois" de propreté radicale, purger la société, avec des balais et des torchons. Qu'il y ait eu, dans ces conditions, des rapports érotiques locaux entre bourreau et supplicié, c'est un fait, mais qui ne tient pas à l'essence même du nazisme.
La question doit donc être inversée: pourquoi aujourd'hui avons-nous besoin du nazisme pour nous représenter nos fantasmes érotiques? Pourquoi nous faut-il des bottes, des aigles, des casquettes? Pourquoi se rabattre sur le sadisme?
Si Sade n'a rien à voir avec une érotique nazie car le nazisme n'est pas en son essence érotique, peut-être bien, en revanche, continue Foucault***, que Sade a formulé l'érotisme d'une société disciplinaire, la nôtre: tant pis alors pour Sade et tant pis pour nous! "Il nous ennuie, c'est un disciplinaire, un sergent du sexe, un agent-comptable des culs et de leurs équivalents".
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Commentaires |
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par blue 300
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10.04.2008 18:53 |
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Merci Lavax, c'est vraiment très intéressant! L'article de foucault est-il beaucoup plus long que ce que tu cites, où l'essentiel y est ?
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par Lavax 300
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10.04.2008 19:28 |
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Hello Blue, l'interview de Foucault avec Dupont va des pages 1686 à 1690 en Quarto Gallimard, il est beaucoup plus long que les quelques citations que je livre.
La première partie concerne la distinction entre Sade et sadisme, mais surtout le caractère a-cinématographique de l'oeuvre de Sade. Foucault explique que ce qui est véhiculé au cinéma "actuellement", ie dans les années 70, n'a rien à voir avec Sade, ie avec la représentation d'un corps unifié organisé: ce n'est pas l'organe qui intéresse la caméra, c'est un corps d'un tout autre type, il s'agit d'un corps qui n'a plus rien à voir avec l'organicité. Ce qui sort de la bouche pour le cinéma dont parle Foucault, ce n'est plus une langue, ce n'est plus l'organe, c'est une chose innommable, inutilisable dans tous les programmes du désir, "c'est le corps rendu entièrement plastique par le plaisir", un antisadisme absolu. Il ne suffit donc pas qu'un corps soit découpé pour qu'on puisse parler de sadisme, mais qu'il soit conçu, avant toute chose, comme un organisme: Sade appartient au dix-huitième siècle encore. La caméra traite, au contraire, le corps comme un paysage, une montagne, une caravane, une pâte - tout sauf un organisme dont on défait l'unité: le corps cinématographique est déjà un corps sans unité au moment où on le découpe; la langue est déjà sans rapport avec la bouche au moment où mes dents l'arrachent***.
La partie sur le cinéma de "papa", comme dit Foucault, qui associe fascisme et sadisme, part explicitement d'une remarque de Dupont à propos de ce film de Liliana Cavani et d'un autre film de Pasolini.
***Je ne sais si je suis d'accord, mais cela donne à penser...
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par blue 300
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10.04.2008 21:07 |
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Vrai que ça donne à penser! Cela correspond bien au cinéma porno dans sa quasi totalité. Les zones du corps réduites à une fonction, ne participent effectivement plus au mystère de l'unité d'un sujet qui est à découvrir. Je suis complètement d'accord!
Tu t'en doutes, ton désaccord sur l'affirmation selon laquelle "le corps cinématographique est déjà un corps sans unité au moment où on le découpe" m'intrigue... Personnellement J'aurais tendance à penser que le choix d'une approche morcelée, loin d'ignorer l'unité du corps la suppose. Elle en est même la principale justification. Le plaisir vient dans ces cas là autant de cette absence, que de ce qui est présenté.
Etait-ce en ce sens aussi qu'allait ton désaccord ?
"la langue est déjà sans rapport avec la bouche au moment où mes dents l'arrachent" L'exemple est de Foucault ?
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par Lavax 300
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11.04.2008 19:51 |
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Blue, voici la phrase exacte de Foucault:
"Tu as un oeil qui regarde, je te l'arrache. Tu as une langue que j'ai prise entre mes lèvres et mordue, je vais te la couper. Avec ces yeux, tu ne pourras plus voir; avec cette langue, tu ne pourras plus manger ni parler. Le corps chez Sade est encore fortement organique, ancré dans la hiérarchie (...). Alors que dans certains films contemporains, la manière qu'on a de faire échapper le corps à lui-même est d'un tout autre type. Il s'agit justement de démanteler cette organicité: ce n'est plus une langue, c'est tout autre chose qu'une langue qui sort de la bouche profané et destiné au plaisir d'un autre. C'est une chose "innommable", "inutilisable", hors de tous les programmes du désir; c'est le corps rendu entièrement plastique par le plaisir.
Je n'exprimais aucun désaccord; je disais juste que je ne sais pas si ce que dit Foucault est juste ou pas; je veux dire que l'idée selon laquelle il y a manière et manière d'envisager le morcellement du corps est intéressante, et que l'envisager sur le fond de l'organisme n'est sans doute pas réciprocable au fait de l'envisager sur le fond d'un corps déjà désorganisé, tout simplement parce que ici et là l'unité du corps en question n'est pas identique: l'unité du corps organique n'est pas la même que l'unité du corps non organique. Quand j'ai lu cette interview de Foucault, j'ai pensé aux textes de Bergson sur le cinéma, je ne sais pas si je les entends bien: cette histoire de découpe mécanique que la caméra exécute, comme si la caméra ne pouvait pas filmer de l'organique, et était obligée d'appréhender un corps dans sa succession, dans une unité déjà spatiale, déjà désorganisée, déjà géographique (Foucault prend en illustrations des exemples géographiques: le corps est une dune, une caravane dans le désert, une anfractuosité au ras de l'herbe....Mais le corps tel qu'il est perçu par la caméra n'a plus l'unité de l'animal; je pense aux seins trop petits de Charlotte Rampling dans la scène où elle chante Marlène Dietrich, Wenn ich mir was Wünschen Dürfte, à ses cheveux coupés courts, à sa voix cassée, à sa peau trop pâle - un corps issu des camps, quasi inorganique justement; et cette chanson inorganique de Dietrich, et le cadeau que Max lui fait: la tête coupée dans un paquet).
A tous: le film est sorti en France en avril 1974; il était alors interdit au moins de 18 ans (source: La Revue du Cinéma, Image et Son, n° 288-289, octobre 1974, "La Saison cinématographique 1974")
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par blue 300
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11.04.2008 22:03 |
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C'est amusant, croire que tu étais en désaccord m'a permis de trouver un désaccord que moi j'ai et que je n'aurais sans doute pas soupçonné sans. J'ignorais les deux textes auxquels tu fais référence. Merci de me les avoir fait découvrir.
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par patrico75 75
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31.08.2009 14:52 |
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Il me semble que Foucault est dans l'Erreur.... G. Apollinaire (grace à qui l'oeuvre de Sade nous est parvenue)"résumait" la Pensée de Sade non comme "Sadique",mais au contraire une liberté...ou la Femme pourrait être la totale complice de l'Homme(cf. S. de Beauvoir:"faut il bruler Sade?? ");et G. A. dit:>!!!!! Ce qui n'est toujours pas (et ça ne va pas mieux..!!??)...!!! Foucault aurait du lire Apollinaire,pour qui Chagall a fait une Toile..!!! Sade....n'était pas sadique....!!!!!!!!! Patrico
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par patrico75 75
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31.08.2009 14:54 |
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G. A. dit de l'oeuvre de Sade (ce n'est pas passé avec le message precedent??) " La Liberté de la Femme ne peut venir que de sa Liberation Sexxuelle.." P.
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par patrico75 75
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05.09.2009 17:49 |
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Je crois qu'au delà du Nazisme, et de la Victime... se pose un probleme Psy.; qu'on retrouve dans les cas de Maltraitance...d'Enfants,voire de Femmes...!! C'est celui de la Fascination de l'Esclave pour son Bourreau..!!! Qui s'explique dans des cituations extremes (genocides, etc;),comme chez les Enfants... une structure qui manque de certitude ,et se croit "élue" par quelqu'un.... et recherche le Masochisme..si on n'est reconnu que comme ça... Oui, je sais ,c'est pas facile...mais on le voit plus nettement chez les Enfants..!!!!! qui ne peuvent fuir des familles sadiques..!!!! Pas gai; mais...!!! Patrico
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