Style, qualité d'écriture |
|
Originalité des situations |
|
Description des scènes d'amour |
|
Intérêt de l'histoire |
|
Note Générale |
|
Les plus : Carnaval pornographique et délire érotique, invention linguistique, humour
les moins : Longueur et répétitivité du texte, structure mal construite, inégalité du texte, passages écoeurants...
Avant toute chose, c'est un livre dont l'obcénité est telle qu'il ne saurait tomber entre toutes les mains, et qu'il peut choquer des âmes sensibles.
L'"Anti-Justine ou les Délices de l'Amour" a été originalement publié en 1798 "au Palais Roial chez feue la veuve Girouard", c'est-à-dire chez l'auteur, avec 60 figures qui sont visibles sur le site suivant de la BNF: http://gallica.bnf.fr/anthologie/notices/01057.htm (une fois le document en consultation, il vous suffit d'aller aux feuilles non paginées; le livre est également entièrement consultable en son édition originale). Restif de la Bretonne imprimait lui-même la plupart de ses livres, ce qui explique que ceux-ci sont pleins de coquilles et boulettes - quasiment illisibles.
L'Anti-Justine a été écrite en réponse à la "Justine ou les Malheurs de la vertu" de Sade (qui est souvent mentionné en termes méchants et injurieux dans le roman sous le nom de "Sdsd"; il faut dire que Sade, de son côté, avait écrit contre Restif des propos fort insultants, le jugeant incapable d'écrire un livre). Il en profite pour régler ses comptes à l'avocat Simon-Nicolas-Henri Linguet, puisque signant son livre "Jean-Pierre Linguet", il laisse croire que celui-ci en est l'auteur. L'"Anti-Justine" est quelquefois tronquée (il manque des lignes par ci), et surtout inachevée.
L'ouvrage est censé être un érotikon qui puisse servir à une épouse qui n'est plus belle et dont un mari n'a plus envie, "faire un érotikon savoureux, mais non cruel", qui puisse exciter au plus haut point sans faire tomber dans les excès à la Sade, qui fasse jouir bref, sans le désir de la mort. "Un livre que les épouses pourront faire lire à leur mari pour en être mieux servies", explique Restif - un livre conjugal, quoi, où tout coïte avec tout!...
On y trouvera bien des inventions linguistiques érotiques amusantes, comme par exemple: "de l'encullo-conillerie", la surenchère de scènes de coït, l'invraisemblance des exploits, les monsturosités, les indécences de toutes sortes s'exprimant en un vocabulaire qui frise le néologisme. Restif a une syntaxe brouillonne, à la limite du barbarisme parfois, mais sa jouissance se traduit en mots avec lesquels il aime jouer. Il s'agit d'un "supplément délirant" d'une obscénité inouïe", écrit Marcel Moreau: délire verbal et pornographique qui donne le vertige jusqu'à l'écoeurement. Ce n'est sans doute pas Foutamort qui nous donne la nausée (un moine anthropophage qui attrape la vérole en mangeant une de ses victimes, une prostituée)! Ni l'histoire de l'homme à la queue (il s'agit d'une espèce d'homme-animal) qui, pour repeupler son île, doit faire des enfants, et pratiquer le coït un très grand nombre de fois par jour. Mais la récurrence de l'inceste. Restif a pratiqué l'inceste avec ses filles, nous dit-il dans "Monsieur Nicolas": il rencontra l'une d'elle comme prostituée, voulut l'épouser, se rendit compte qu'elle était sa fille. Dans l'"Anti-Justine", Cupidonnet débute sa vie sexuelle par le grand inceste, et continue par le petit inceste. Quel livre étrange: à aucun moment, ce thème n'est traité comme un interdit. Il en va de l'inceste comme du fétichisme du pied, ou de tel autre bon moment érotique, chez Restif. Apollinaire, Fleuret et Perceau écrivaient ainsi de ce volume: "c'est un livre unique, le plus fou, le plus étonnant et le plus écoeurant qui soit"; il témoigne d'un cerveau déréglé. Perceau, dans l'édition clandestine qu'il fit en 1930, signala d'ailleurs que le volume s'adressait aussi bien aux bibliophiles, aux historiens, qu'aux psychiatres.
La construction est mal pensée. A l'intérieur de l'histoire générale, s'inscrivent le récit de l'homme à la queue et un autre récit: ces petits récits sont, eux, comme des contes, mais la structure générale se perd un peu. L'ensemble est du coup trop long.
En dehors de ces défauts et de ces bizarreries obscènes ou écoeurantes, on passera un moment débridé, un n'importe quoi très détendant, parfois amusant, avec un texte ancien qui reste à bien des égards très moderne. On pourra aussi le lire en une optique quasi médicale...
|