Avis

Avis Philo Editions Philosophie magazine N°11 - Dossier : Homme-Femme, la confusion des genres par blue
par blue H 300 30.08.2007 22:33
Choix des thèmes sexo 4/4
Intéret des articles sexo 4/4
Illustrations des articles sexo 3/4
Interêt général du magazine 4/4
Rapport qualité/prix 4/4
Note Générale 4/4
Les plus : Qualité des intervenants, Bonne synthèse des positions, sujet très large sur la différence des sexes.
les moins : Un petit manque quant à l'équilibre du débat.

" Hommes - femmes ; la confusion des genres".
Le dossier est sérieux: 19 pages, avec des intervenants qui ne le sont pas moins. A lire absolument!
Le titre pourrait laisser penser que le sujet porte sur un phénomène de société, sur les tendances  type métro-sexuel, etc… Cela va bien plus loin que ça. Il s'agit d'aborder le fond de la différence entre les sexes.

                     -Deux positions s'affrontent pour répondre à cette épineuse question. La position la plus classique consiste à affirmer une différence essentielle entre les hommes et les femmes. On affirme alors, par exemple, que les polarités hommes femmes ont des rôles essentiels dans l'éducation. On retrouve sur cette position nombre de psychanalystes et d'anthropologues dans la lignée de Lévi-Strauss.
                     - A l'opposé se trouve le courant des "gender study". L'idée est que l'on a pris les polarités hommes femmes pour des données naturelles, alors qu'elles ne sont en grande majorité que des constructions sociales*. Ainsi, il faudrait considérer comme indépendant le sexe (donné biologique) du genre (masculin /féminin). Judith Butler propose encore une distinction supplémentaire en y rajoutant le désir. Ainsi on peut avoir un individu de sexe masculin, de genre féminin, mais qui désire les femmes par exemple. Cette caractérisation tripartite de la sexualité a le mérite d'offrir un large panel descriptif des sexualités.
   Cependant, le sexe en tant que qualification biologique est aussi soumis à l'interprétation, car si on s'arrêtait aux données génétiques, aucun changement de sexe ne pourrait être envisagé. Or, nombre de pays envisagent pourtant ce changement en exigeant qu'une opération fasse que l'anatomie de la personne soit plus en accord avec son sexe légal. Comme le dit Eric Frassin: "En fait le sexe lui-même n'est pas une donnée simple. Il résulte d'une construction sociale, voir d'interventions médicales (…)". **
            Lorsqu'un pays comme l'Espagne autorise le changement de sexe sans opération, cela est vécu comme une marque d'ouverture d'esprit envers la transsexualité, cause soutenue par les tenants des "gender studies". Ainsi, Judith Butler se félicite de cette évolution de la législation espagnole. Pourtant, il me semble qu'il y a une forme de contradiction, dans cette posture: car vouloir que le sexe puisse être changé sans qu'il y ait de modifications morphologiques, n'est-ce pas justement tomber dans la confusion du sexe et du genre ? Pour le dire autrement: une personne qui ne veut pas changer de corps, ne devrait elle pas accepter que son sexe ne change pas, mais plutôt militer pour que l'on intègre l'idée que l'on peut avoir un genre d'une polarité opposée à celle de son sexe ?  Le combat pour le changement de sexe sans modification morphologique, et celui pour l'affirmation de l'indépendance du genre avec le sexe, et donc l'ouverture au mariage et à l'adoption pour des personnes de même sexe, semblent avoir des affinités, mais ne me paraissent pas cohérents entre eux.

L'article est très riche, et bien des aspects n'apparaissent pas dans le commentaire que j'en fais ici. Ceux qui pensent que le sexe et le genre ne sont pas indépendants sont présents, mais un peu sous représentés. Françoise Héritier qui a succédé à Claude Lévi-Strauss à la chair d'anthropologie, a laissé un entretien fort intéressant, mais qui n'est pas destiné à répondre frontalement à ce dialogue. Son article se termine sur un point sur lequel tous se retrouvent: il y a toujours eu un fort enjeu de à travers les interprétations des différences entre les sexes. Sa conclusion m'est apparue fort intéressante:
" Les politiques n'ont pas suffisamment pris conscience de l'importance du problème de l'inégalité hommes-femmes. Elle est à la base de toutes les discriminations et de tous les racismes, elle a formé le moule dans lequel ils se sont coulés. Alors que nos dirigeants s'imaginent naïvement que quelques mesures adaptatives et une journée de la femme suffisent à l'évacuer, c'est en réalité le cœur de tous les problèmes de discrimination ".

* = Cependant il peut y avoir des différences essentielles qui ne sont pas naturelles. Le complexe d'oedipe par exemple serait un universel culturel et pas naturel. La question est alors de savoir si une donnée sur la différence des sexes est universelle, ou si il s'agit d'une construction qui n'a rien de nécessaire…

* * = La suite de ce court et passionnant article passe trop rapidement à mon sens du sexe à la sexualité. Or si on accepte la distinction du sexe et du genre, alors il faut fermement dissocier le sexe de la sexualité ; cette dernière désignant non seulement le sexe, mais aussi le genre et le désir.

 
   

Fiche Produit

Philo Editions Philosophie magazine N°11 - Dossier : Homme-Femme, la confusion des genres

Philosophie magazine N°11 - Dossier : Homme-Femme, la confusion des genres

Avis, Essais, Comparer Philo Editions Philosophie magazine N°11 - Dossier : Homme-Femme, la confusion des genres

Marque : Philo Editions
Date de sortie : 01/07/2007
Prix indicatif : 4.90 €

Format : A4

Commentaires

par Lavax F 300 30.08.2007 23:41

Merci beaucoup, Blue, pour ce riche compte-rendu. Pardonne mon ignorance. Je ne connais pas les travaux de Judith Butler; pourrais-tu m'en dire davantage sur elle?

De même, je t'avoue mon ignorance sur la successeur à la chaire de Lévi-Strauss, Françoise Héritier, que je n'ai jamais lue: connais-tu un peu son travail? Est-il de qualité (par rapport à celui, de grande qualité, de Lévi-Strauss)?

Dans le numéro dont tu rends compte, il n'y a rien dans la mouvance deuleuzienne?

Dernière question (j'espère ne pas t'importuner trop!): touchant le magazine dont tu parles: il est né quand? qui est le rédacteur en chef? le comité de rédaction? La qualité générale? Merci, ça m'intéresse...

par blue H 300 31.08.2007 18:37

Lavax, il n'y est pas question de Deleuze. Par contre  Derrida est très présent dans l'article d'Alexandre Delacroix. Sa philosophie s'accorde et inspire les théoritiens des gender studies dont Judith Butler semble être une figure importante. Je ne la connaissait pas avant de lire ce dossier. Je ne pourrais donc pas te dire grand chose de plus que ce qui se trouve dans ce dossier.
De ce que j'en sais, les travaux de Françoise Héritier sont vraiment de qualité. Son ouvrage le plus connu est masculin/féminin aux ed Odile Jacob. L'article dans la revue donne un gout de trop peu, et il y manque les exemples ethnologiques chers aux anthropologues, et si savoureux.

La qualité générale du magazine est bonne à mon sens. Parfois la multiplicité des courants n'est pas toujours représentée dans certains dossiers. Mais il y a des choses assez stimulantes.
Le rédacteur en chef: Alexandre Lacroix ; adjoint: Martin Legros. Beaucoup de monde intervient dans cette revue, et il y a beaucoup de contributions extérieures.

par Lavax F 300 01.09.2007 14:43

merci beaucoup!

par Aretina F 399 09.12.2007 12:26

Merci, Blue pour cet avis!

Cela doit être un article très intéressant!

Le thème du sexe et genre est d'actualité. Pas plus qu'il y a une semaine j'avais lu un article dans un quotidien allemand sur un cas ou une personne avait été force a mener son existence avec une identité sociale masculine, bien qu'il présentait des caractéristiques (anatomiques et hormonales féminines. Il (en fait elle) a revendique le droit d'avoir l'identité féminine et il a même été dédommagée, ce qui crée un précédant.

Ce qui me fait me poser des questions c'est que presque l'entière culture est fondée sur la polarité des principe. Et ce fondement a des connotations subliminales plus que sociales. Et comme ça bout gravement parmi mes circonvolutions ces jours-ci: cet intérêt pour l'altérité en matière de sexe aboutira-t-il en quelque chose d'applicable à même de contribuer a l'ordre auquel nous aspirons tous? On l'espère tous.

P.S. Trouvé ce lien ou il y a un article de Judith Butler a propos de la "détermination sexuelle"
http://www.lexpress.fr/info/societe/dossier/sexualite/dossier.asp?ida=433397
(Sinon, en cherchant dans la colonne a gauche, dans les dossiers sexualité, on trouve encore quelques articles qui peuvent - ou pas - intéresser)! )

par blue H 300 10.12.2007 01:12

Merci Arétina pour ce commentaire et ce lien.
Je ne suis pas sûr de comprendre précisément ce que tu veux dire par "subliminales". Veux tu dire que cela est une donnée inconsciente et universelle ?
Je partage ton souhait que la société s'ouvre d'avantage à l'altérité!
La question est de savoir ce qui précisément concourt à ce mouvement. Je sensible à la tolérance qu'il y a dans la tendance actuelle qui semble conduire à l'acceptation d'une multiplicité de sexualités. Par contre, je m'interroge sur le fait que cette tolérance doive prendre le chemin de l'affirmation d'une indépendance totale entre le sexe, le genre, et même le désir. D'un coté ces idées sont progressistes et cela attire spontanément ma sympathie ; mais de l'autre, cela me semble conduire à séparer l'altérité physique de l'altérité du genre. J'ai pourtant l'intime sensation que le mystère de la féminité n'est pas sans lien avec le corps féminin. Réduire le genre au biologique est certes ridicule, mais a l'inverse les désarticuler pour leur octroyer une indépendance fondamentale, n'est-ce pas perdre aussi la profondeur que l'altérité a par ce lien mystérieux?
Je dois avouer que tout cela me pose question…

par Aretina F 399 10.12.2007 13:15

Bleu, :), la question qui t'occupe est en elle-meme un puits d'autre questions.
Je pense que plus en les separe et leur donne accorde un statut independant, plus cela sera difficile de maitriser les choses.
Une de mes plus grandes craintes est que cela ne soit pas une manifestation étrange mais insoutenable du principe "divide et impera".
Mes examples seront peut etre decevants, mais j'y tente le coup de toute façon:
d'abord, je soutiens cette separation du sexe physique et du genre, pour des raisons trivialement pratiques: accorder la meme importance sociale (et ici je me refere avant tout aux documents et status) au genre engendre des formalités alambiquées pour tenir le coup. Le desir est quelque chose que l'on peut explorer, mais difficilement eriger en critere de classification.
C'est vrai qu'il y a des cultures et societes ou genre et biologique se melent officiellement et sont largement acceptés: le cas des hijra en Inde ou les berdaches et "two-spirits" dans les cultures de l'Amerique.
Deja que ce qu'en anglais s'appelle "taxonomy of gender" (je crois que l'equivalent francais serait classifiaction des genres) se base sur presque 10 criteres. Lorsque le purement biologique s'en contente de beaucoup de moins.

D'accord, c'est a nouveau un roman, mais je ne sais pas en cet instant comment faire pour rendre une opinion en forme plus concise. Ce que je veux dire se pourrait probablement pour ce qui est de l'organisation sociale il faut que cela reste synthetique. Sinon, on ne suit plus... :S Pour les autres nveaux , l'analyse est à recommander et cultiver.

(Desolee si cela fait "esprit borné")

par blue H 300 06.01.2008 10:34

L'idée que l'organisation sociale doit simplifier ses catégories par souci pragmatique est une idée intéressante et qui est éclairante. Je te remercie au contraire, de l'avoir développée, car autrement je l'aurais moins bien saisie.

Dis moi, cette classification des genre, intègre t-elle des références aux données biologiques, ou en est elle indifférente ? Si tu as l'occasion de présenter ces critères, j'en serais très intéressé.

par Jumeaumono H 64 16.07.2008 16:40

Bonjour à tout le monde,
je vais je pense choquer certaines personnes par mes propos, je vis depuis exactement 20 ans et 13 jours avec un garçon qui n'est autre que mon frère jumeau, nous avons tout partagé, les joies, les peines, les plaisirs les plus intimes sans jamais nous poser la question de savoir si nous étions fille ou garçon. Nous avons les même amis, sans distinction de sexe, et nous flashons toujours au même moment sur n'importe quelle personne. Ce qui pose plus de problèmes aux autres qu'à nous. Je ressens très bien que mon frère tout comme moi nous ne nous sentons coupable de rien du tout. Nous adorons la vie, tout ce qu'elle nous apporte sans fausse pudeur, en réalité nos deux entités n'en font qu'une Pourquoi savoir si il existe une différence entre un sexe ou l'autre, c'est du pareil au même ; Le plaisir est masculin : l'extase féminin, lequel doit être rejeté.......