Avis

Avis Editions Philippe Picquier Belle de Candeur par Lavax
par Lavax F 300 02.02.2008 10:36
Style, qualité d'écriture 3/4
Originalité des situations 3/4
Description des scènes d'amour 3/4
Intérêt de l'histoire 2/4
Note Générale 3/4
Les plus : Ouvrage poétique, humoristique, où érotisme et ironie se lient harmonieusement, présence d'index, de notes, cartes
les moins : Beaucoup de noms à retenir, pas d'intrigue, quelques erreurs dans les notes (dans l'édition 1990 de Picquier)

Présentation de l'édition
Titre original: Zhulin Yeshi (littéralement: Histoire officieuse de Zhulin***; ou histoire sauvage de Zhulin)
Date de rédaction: elle est difficile à établir, mais se situe vraisemblablement dans la première moitié du XVII eme siècle.
Auteur inconnu.
Traducteur: Christine Kontler.

Le récit
Il se situe dans contexte historique assez mouvementé, entre le VII eme et le VI eme siècles avant notre ère, à une époque où la Chine est divisée en de multiples principautés qui se disputent le pouvoir, et notamment les petites principautés de Zheng et Chen (qui sont au centre de la Chine) et les grandes principautés de Jin, Qi, et Chu, qui peu à peu vont historiquement s'imposer.

Le personnage principal, Belle de Candeur, qui dans le roman, s'appelle également Dame Xia, après son premier mariage, ou encore Yunxiang après son troisième mariage, a appris, en rêve, auprès d'un Immortel du nom de Libre Errance, la technique qui consiste à "cueillir les fruits de la bataille", c'est-à-dire à puiser, pendant l'acte sexuel, l'énergie de son partenaire, afin d'augmenter sa puissance vitale, de rajeunir, et de parvenir à l'immortalité. A 50 ans, elle paraît encore 16 ans, sa peau est jeune; son vagin est aussi resserré que celui d'une très jeune fille, et si les hommes la désirent, elle les épuise et les mène à la mort en fort peu de temps!
Ainsi de ses deux premiers maris...Et de bien des amants...
Car la Chine de cette période est très libre: les échanges vont bon train: le roi, ses ministres, font l'amour avec Belle de Candeur; cela se sait; et cela ne cause pas de grandes révolutions.
Au détour, le narrateur, Xian Chuan (qui livre son nom à la toute fin de ce court et étrange roman), raconte les châtiments que les amants subissent aux enfers: les démons broient les défunts, leur assènent des coups, les font frire dans l'huile.

Le récit est très rapide - ce qui n'empêche pas des scènes érotiques assez poétiques, bien que stéréotypées et dans le vocabulaire et dans les techniques utilisées (les pieds bandés sont toujours érotiquement contemplés, les liqueurs féminines sont un fort stimulant descriptif, etc). Les aphrodisiaques sont en usage, les anneaux peniens, et une forme assez originale de godemichet.
Le style narratif est très proche de celui du Jing Ping Mei, avec petite phrase introductive, et petite conclusion rapide: "vous le saurez en lisant la suite"; on trouve aussi des incises du genre": "mais ne nous appesantissons pas sur la mort de ces deux personnages", etc.

Avis personnel
Quelques défauts d'abord dans mon édition - je ne sais si cela vaut pour toute édition, et réédition chez Picquier: les notes du chapitre 6 sont incomplètes.
Sinon, l'édition est bien faite, avec un avant-propos resituant le récit, un petit vocabulaire érotique, des notes chapitre par chapitre. La traductrice a fait choix de conserver les expressions originales tout en les expliquant: et le lecteur habitué s'y retrouve; et le lecteur non habitué n'est pas perdu, car les notes n'empêchent pas de lire en continu.

Quant au récit, le texte est certes mineur, mais il reste détendant: cette manière sans gravité qu'a le narrateur de traiter les décès qui s'accumulent au fil du récit est très drôle; il laisse aussi de côté ses personnages avec beaucoup de désinvolture.
ce qui seul l'intéresse, c'est la quête d'immortalité de Belle de Candeur.

A découvrir.

 
   

Fiche Produit

Editions Philippe Picquier Belle de Candeur

Belle de Candeur

Avis, Essais, Comparer Editions Philippe Picquier Belle de Candeur

Marque : Editions Philippe Picquier
Date de sortie : 19/05/1998
Prix indicatif : 7.00 €

Auteur : Anonyme
Littérature : Etrangère
Siècle : XVIIe
Collection : Picquier poche
ISBN-10 : 2877301877
Nombre de pages : 192.00 pages

Commentaires

par SpongeBob H 300 03.02.2008 00:08

Bonsoir Lavax,

L'histoire racontée dans ce récit est elle d'après toi le reflet des moeurs chinoises du VII & VI siècles B.C. ou simplement un imaginaire fantasmé lié aux récits des missions jesuites en Chine de cette période?

Merci

SpongeBob

par SpongeBob H 300 03.02.2008 00:13

Oups, ma question est à côté de la plaque.. je pensais que le l'auteur etait occidental .. :-)

par Lavax F 300 03.02.2008 00:22

SpongeBob, ta question a de toute façon sens, du fait, non pas du décalage géographique, mais du décalage temporel: il y a, semble-t-il, un certain nombre de petites fictions inventées par l'auteur qui, cependant, d'après la traductrice, suit assez fidèlement l'histoire; quelques anachronismes ou inventions, cependant.
Sinon, on y trouve des témoignages fidèles, d'après van Gulik, de l'époque décrite.
Un point qui m'a frappée, c'est l'existence des lettres de séparation, xiushu: un homme peut rendre la liberté à son épouse, à l'amiable, en rédigeant une lettre; sa femme peut alors se remarier.

par blue H 300 03.02.2008 11:20

Lavax, sais tu si la dynastie Ming a pu recevoir d'une manière ou d'une autre l'influence de la société occidnetale? Il est intriguant qu'en chine aussi on retrouve des légendes proches des succubes... et des allusions à l'enfer ...
Sans doute ces thématiques ont-elles une forme d'universalité..

par Lavax F 300 03.02.2008 16:46

Bon dimanche, Blue!
Comme le signalait SpongeBob, les missions jésuites commencent vers le tout début du 17 eme siècle (cf par exemple: Athanase Kircher). Mais elles n'influencent guère la Chine.
En réalité, bien que n'étant pas du tout sinisante, je suppose que le vocabulaire dont disposent les traducteurs est assez restreint. Pour se faire une idée de la religion des chinois, qui diffère réellement du christianisme, on peut consulter Granet:
-La religion des chinois;
-La pensée chinoise.

Dans ce dernier ouvrage, Granet conclut: "je me bornerai à caractériser l'esprit des moeurs chinoises par la formule: ni Dieu, ni Loi". "En Chine la religion n'est, pas plus que le droit, une fonction différenciée de l'activité sociale (...). Le sentiment du sacré joue, dans la vie chinoise, un grand rôle, mais les objets de la vénération ne sont point (au sens strict) des  dieux (...). La mythologie chinoise est une mythologie héroïque (...). Les Chinois n'ont aucune tendance au spiritualisme. A peine trouve-t-on la trace, dans les croyances populaires, d'un animisme transcendant. On croit aux revenants, aux esprits des morts, aux démons vengeurs, à toute espèce de lutins: ils peuvent à de certains instants, inspirer la terreur, mais quelques exorcismes en débarassent, et, aussitôt, ils ne fournissent plus que le sujet de bonnes histoires (...). Il n'existe aucun clergé organisé; les dieux n'ont point d'appui: ils n'ont aucune transcendance*** (...). La sagesse chinoise est une sagesse indépendante et toute humaine. Elle ne doit rien à l'idée de Dieu (...). La loi, l'abstrait, l'inconditionnel sont exclus -l'Univers est un - tant de la société que de la nature. De là la haine tenace qu'ont excitée les Légistes et aussi les Dialecticiens (...). La notion chinoise de l'Ordre exclut, sous tous ces aspects, l'idée de Loi (...). Etat, Dogmes et Lois ne peuvent rien en faveur de l'Ordre".
A la place des lois et des dogmes, ce sont les solidarités spontanées, les libres hiérarchies qui s'instituent: comprendre et s'entendre, c'est réaliser la paix autour de soi. "Le principe d'une bonne entente universelle se confond avec le principe d'une universelle intelligibilité (...). Toute Autorité repose sur la Raison": ce principe général est identique pour toutes les Ecoles.

***D'où: le terme d'"enfer(s)" ne saurait, ici et là, avoir même sens. Je suppose que c'est une raison qui fait garder la minuscule, quand, dans le catholicisme, on choisit la majuscule.

par blue H 300 03.02.2008 17:20

Spongebob, excuses moi, je lis toujours tes messages avec attention, mais j'ai dû avoir un moment de défaillance, car effectivement ma question était redondante.

par Lavax F 300 03.02.2008 18:01

Non, non, Blue, ce n'était pas du tout redondant, c'était une question différente. Ta question portait sur la religion, et les relations entre religions "occidentales" et religions "chinoises"; celle de SpongeBob portait sur la question de la fidélité du récit aux moeurs (chronologiquement antérieures) qui sont censées être décrites.

Je ne les ai pas entendues comme redondantes, en tout cas, mais comme s'enrichissant, et permettant d'aborder des questions diverses du roman.

par blue H 300 03.02.2008 18:08

merci de m'aider à sauver la face Lavax ;)

par Lavax F 300 03.02.2008 18:18

Il n'y a pas à sauver la face! C'est simplement vrai!
Si ta question avait été identique, je n'aurais pas pris le temps d'y répondre, et d'aller rechercher quelques passages chez Granet, cher Blue, parce que je supposais qu'ils pouvaient répondre à ton interrogation! :)

par blue H 300 03.02.2008 19:09

Merci, en plus ta réponse était très intéressante.