Avis

Avis La Musardine Le Nécrophile (suivi de Nécropolis) par Lavax
par Lavax F 300 15.12.2007 20:54
Style, qualité d'écriture 4/4
Originalité des situations 4/4
Description des scènes d'amour -1/4
Intérêt de l'histoire 4/4
Note Générale 4/4
Les plus : étrangeté du texte, brièveté!, présence d'une courte bibliographie sur la nécrophilie en fin de volume
les moins : la lecture produit un malaise réel, pouvant aller jusqu'à la nausée, absence d'informations sur l'auteur et sur l'essai qui suit

AUTEUR:
Journaliste au Frankfurter Allgemeine Zeitung, mariée à un déserteur allemand homosexuel, pendant l'occupation nazie, Gabrielle Wittkop-Ménardeau (1920-2002) (elle-même homosexuelle) a publié plusieurs volumes cruels et aberrants: La Mort de C., Sérénissime Assassinat, La Marchande d'Enfants, etc.

PRESENTATION DU ROMAN:
Le Nécrophile est un très court roman (82 pages), paru d'abord en 1972 dans la "Bibliothèque Noire", collection dirigée par Régine Desforges.
L'édition chez la Musardine comporte une couverture de Dali, "Ballerine", 1932, qui a été désaprouvée par l'auteur. Elle a également rejeté l'essai qui suit.

Le roman se présente comme un journal, où Lucien, le narrateur, fait le récit de ses amours macabres: depuis le jour où il découvre la masturbation à la mort de sa mère, devant le lit où elle repose, Lucien aime les cadavres d'un amour charnel et spirituel. Il leur fait l'amour, désire leur douce odeur de bombyx, et tombe amoureux d'eux; amour impossible, où il faut lutter contre la décomposition qui bientôt menace.
Aucun sadisme chez lui qui le conduirait à faire subir à ces corps des actes de violence: il leur voue un étrange respect, les baigne, les parfume, afin de les conserver le plus longtemps possible.

Ce qu'il aime chez les morts, c'est d'abord cette odeur qui précède la putréfaction. C'est ensuite leur pureté: "rien n'est plus propre qu'un mort et il le devient de plus en plus, au fur et à mesure que passe le temps et jusqu'à la pureté finale de cette grande poupée d'ivoire au rire muet, aux jambes perpétuellement écartées, qui est chacun de nous".

Mais il s'agit toujours d'amours non réciproques (où le nécrophile fait don de lui-même sans qu'il y ait retour), d'amours vécues dans l'urgence. D'amours silencieuses. Car comme Lucien le remarque, il n'y a pas de lien entre les nécrophiles mêmes: s'ils se reconnaissent, ils ne se recherchent pas, "ils ont choisi l'incommunicabilité, et leurs amours transcendent l'incommunicable".

AVIS PERSONNEL:
Dès les premières pages, j'ai été saisie par un malaise violent, ressentant, au moment où le narrateur évoque son rapport aux odeurs, de très fortes nausées.
La description est plate, malgré un certain désespoir: ce récit minutieux est insupportable parce qu'inimaginable, insoutenable, il exprime pourtant l'amour.
C'est ce qui fait qu'on continue la lecture: pas de curiosité "malsaine" de la part du lecteur, ni l'envie de lire un cas de psychopathologie sexuelle.

Livre impressionnant, - qui peut choquer.


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ESSAI QUI SUIT: NECROPOLIS, F. de Gaudenzi

Le petit essai de 50 pages, intitulé Nécropolis, est d'un auteur sur qui je n'ai pu trouver d'informations. Il existe un F. de Gaudenzi, à la fin du 19 eme siècle qui s'est intéressé à la psychopathologie du Tasse; mais le F. de Gaudenzi de cet essai est postérieur, compte tenu des références qui figurent dans le texte. Vraisemblablement un essai de 1970 environ.
S'agit-il alors d'un clin d'oeil, d'un pseudo?
C'est un essai qui propose quelques définitions: nécrosadisme, nécrophagie, nécromancie, nécrophilie; et qui donne une dimension ethnologique à cette dernière - dimension absente du récit de Wittkop, et qui ne contribue pas à l'éclairer.


Je pense que la publication de cet essai non seulement n'a pas d'intérêt après la lecture du Nécrophile, mais qu'il l'affaiblit.


A signaler que les éditions Verticales ont, en 2001, publié le Nécrophile; cette édition a été revue par Wittkop avant son suicide, et approuvée.
Je me permets donc de vous conseiller d'acheter ce récit en Verticales, plutôt que chez la Musardine.

 
   

Fiche Produit

La Musardine Le Nécrophile (suivi de Nécropolis)

Le Nécrophile (suivi de Nécropolis)

Avis, Essais, Comparer La Musardine Le Nécrophile (suivi de Nécropolis)

Marque : La Musardine
Date de sortie : 01/03/1998
Prix indicatif : 5.89 €

Auteur : Gabrielle Wittkop
Littérature : Française
Siècle : XXe
Collection : Lectures amoureuses
ISBN-10 : 2842710185
Nombre de pages : 158.00 pages

Commentaires

par Aretina F 399 15.12.2007 21:24

Hello, Lavax! :)

Merci d'indiquer ce livre que l'on lit avec d'autres sens que juste la vue...
(Je me rappelle de sensation asez similaire lorsque j'ai lu le compte rendu du supplice de Robert-Francois Damiens, au debut du livre "Surveiller et punir" de M. Foucault.)

Aussi merci d'avoir signalé cet auteur dont je viens d'apprendre. Apres quelques recherches sur le net (aussi afin d'en denicher quelque chose sur F. de Gaudenzi), je suis tombée sur cet ouvrage: Inappropriate Relationships: the Unconventional, the Disapproved, and the Forbidden
http://www.amazon.ca/Inappropriate-Relationships-Unconventional-Disapproved-Forbidden/dp/0805837426/ref=sr_1_1/702-7014102-4020838?ie=UTF8&s=books&qid=1197749857&sr=1-1
(merci google books!)
Gabriele Wittkopp y figure dans la liste de bibliographie consultée par les auteurs, Robin Goodwin et Duncan Cramer.

Si tu arrives a te procurer cet ouvrage, peut être que tu pourras laisser un avis dessus? :)

Merci encore

par Angel69 F 300 15.12.2007 21:25

lavax, qu'est ce qui t'a donné envie de lire ce bouquin ?
L'originalité de la thématique ?

par Lavax F 300 15.12.2007 21:44

Bonsoir à toutes les deux!

Merci, Aretina, pour la référence que je ne connaissais pas du tout. Ca m'intéresse particulièrement!

A Angel: je te répondrai en deux points:
1. il existe en histoire de la psychiatrie un livre qui a beaucoup compté: "Psychopathia Sexualis, Etude médico-légale à l'usage des médecins et des juristes" (1886), de Kraft-Ebing, qui était prof de psychiatrie à l'Université de Vienne. Y sont décrites toutes sortes de perversions sexuelles, et quelques rares cas de nécrophilie (3, si j'ai bien compté). A ce titre, et pour l'histoire de la psychiatrie, ce volume m'intéressait. Il y a aussi un petit texte, que je recherche, le Vampire de Paris - mais que je ne trouve pas, qui rapporte un cas de nécrophilie.

2. Le facteur déclenchant, je crois que je peux citer cela sans qu'il en soit choqué, fut une petite conversation que Blue et moi avons eue en privé sur les perversions sexuelles, et où nous évoquions la question de savoir quel intérêt on pouvait prendre à lire des livres parlant de sexe mais qui ne fussent pas érotiques. Cette conversation est née à propos du compte rendu sur Simona Vinci. Et je faisais part à Blue de la fascination que le texte de Vinci, quoique non érotique, exerçait. Nous avons évoqué la nécrophilie comme un cas limite. J'ai fait une petite recherche sur le net, et ai découvert ce  petit roman, pour faire expérience: y aurait-il fascination ou non sur une telle pratique que chacun désapprouve et condamne comme répugnante?

EDIT: à Aretina:je ne sais si Foucault a eu connaissance de ce petit texte; sans  aucun doute cela l'aurait intéressé...

par Aretina F 399 15.12.2007 22:19

Lavax: de quel petit texte parles-tu dans l'EDIT? Car je crains que j'ai mal compris. C'est au texte de Gabrielle Wittkopp que tu te réfères, n'est-ce pas? :)

par Lavax F 300 16.12.2007 00:23

Oui, oui, Aretina: je voulais dire que Foucault aurait été intéressé par ce type d'ouvrage (celui de Wittkop); et peut-être le connaissait-il d'ailleurs?

par blue H 300 16.12.2007 12:59

Angel, c’est effectivement la même question que j’avais posée à Lavax.
Personnellement je dois avouer que j’aurais dude mal à me lancer dans une telle lecture. Pourtant, je comprends qu’en ce qui concerne l’art, on puisse trouver un intérêt à ce qui n’est pas forcément agréable. Heureusement d’ailleurs, car sinon, il y aurait beaucoup de chef d’œuvres à coté desquels on passerait.
             Néanmoins, si j’entends quelqu’un dire qu’il a aimé ce type de récit, je reconnais que je me demande si cette personne en retire une forme d’excitation sexuelle. Ici ton avis est clair : tu l’as ressentis comme « insoutenable ». J’imagine que pour quelqu’un qui a l’habitude de ce genre de lecture, il doit être frustrant de devoir sans cesse préciser que ce n’est pas parce qu’on prend plaisir à une lecture que l’on adhère au contenu. Il serait sans doute dommage de réduire une œuvre à un jugement de goût du type  « j’aimerais pas faire ça », ou à un jugement moral : « je trouve pas ça sain ».  Du coup, j’ai parfois l’impression qu’en réaction, ces deux dimensions sont souvent peu présentes dans les avis sur ce genre d’œuvre. Or parmi d’autres informations plus profondes, cela fait parti des choses qui m’intéressent.
Tout ton avis est d'une grande qualité, et j'apprécie donc aussi beaucoup qu’il y ait une partie sur ton avis personnel.
            Je me permets une petite digression, qui ne concerne pas ton avis, mais la position de personnes comme Emmanuel Pierrat ou d’autres que j’ai découverts autour des émissions et publications sur l’expo à la BNF sur l’enfer.. Je suis étonné que la dimension normative n’apparaissent pas plus dans leurs propos. Il me semble que même quelqu’un de farouchement opposé à la censure peut développer un jugement éthique négatif sur des œuvres tout en affirmant que pour certaines, leur lecture a un vrai intérêt, et pour les autres, que la censure a de toute façon plus d’effets pervers que le mal dont elle est sensée nous protéger.

-Qu’en pensez-vous ?

par Lavax F 300 16.12.2007 15:53

Hello Blue: juste une rectification; je ne dirais pas que "j'ai aimé" ce livre. Le mot serait très approximatif. Non, je l'ai trouvé impressionnant. Je ne porte pas sur lui un jugement de goût, du type "j'aime" ou "j'aime pas"; il me paraît au-delà (ou en-deçà) de ce type de jugement. A la place de "je n'aime pas", quelqu'un dira bien plutôt, "c'est insupportable", "je ne peux pas", "je ne veux pas".

Touchant ta question: je ne sais si je l'entends bien.
La nécrophilie est moralement condamnable, puisqu'elle porte atteinte au corps humain qui est le soutien de l'être raisonnable. Elle est également juridiquement condamnable, en tant qu'elle porte atteinte à l'ordre social:

Code Pénal:
Section IV: "Des atteintes au respect dû aux morts":
Article 225-17
   "Toute atteinte à l'intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende." "La peine est portée à deux ans d'emprisonnement et à 30000 euros" lorsque atteinte a été portée à l'intégrité du cadavre.

Maintenant, on n'emprisonne pas un romancier qui n'a porté atteinte à aucun cadavre! Il y a de la différence entre un cadavre réel et un cadavre imaginaire, entre tuer quelqu'un en roman, et le tuer réellement...., entre le mal imaginaire et le mal réel, entre le bien imaginaire et le bien réel.
Quel sens y a-t-il alors à cacher le récit d'une perversion? (1) La perversion est mal, mais (2) le récit est-il mal? Je ne comprends ce qui te permet de passer de l'ordre (1) à l'ordre (2), sinon la confusion entre l'ordre de ce qui est réel et de ce qui est imaginaire.

Conséquence ultime:
C'est comme ça qu'on fait des autodafés....

par Lavax F 300 16.12.2007 16:10

Rectification: entre les deux phrases citées, j'ai oublié l'alinea 2 de l'article 225-17 qui porte sur la profanation des tombes et sépultures; la seconde phrase porte uniquement sur l'alinea 2, en tant que s'ajoute à la violation de sépulture l'atteinte à l'intégrité d'un cadavre.

par Aretina F 399 16.12.2007 17:00

La distinction fiction-réalité est vraiment assez problématique, parce que même des personnes très posées qui comprennent parfaitement cette distinction, peuvent se poser des questions sur le fait qui ait motivé l'auteur de traiter pareil sujet. Et certaines vont même jusqu'à diagnostiquer le fait que l'on puisse vouer du temps et du papier a développer ce genre de sujets.

En ce qui me concerne, je peux concevoir qu'il s'agit d'un acte littéraire, dont les motivations et le sens sont bien indépendantes de mon ressenti lors de la lecture.
Mais je dois avouer que si cela deviendrait du coup une mode à écrire sur ce type de déviations, j'en serai dérangée.

@ Blue: à mon humble avis, je doute que l'on puisse sentir de l'excitation sexuelle, mais que le texte peut engendrer des réactions et émotions assez violentes (Comme le témoigne d'ailleurs Lavax.)
Et je tends a être d'accord pour "la censure a [...]plus d’effets pervers que le mal dont elle est sensée nous protéger."
Sauf que je l'appliquerais plutôt aux personnes qui s'imaginent que la censure est la comme une grande barrière qui leur nie l'accès a quelques paradis accordés qu'à certains élus. ET ils font alors tout pour être ce qu'ils s'imaginent comme "élu"... même mettre en pratique, plus ou moins fidèle, ce qu'il trouvent dans ces livres.
Et quant a la distinction fiction-réalité, ils s'en fichent.

@ Lavax: Je devrais consulter le Code Pénal dans la bibliothèque de mon père pour vous livrer une idée sur les règlementations dans la matière dans mon pays.
En tout cas, on ne plaisante pas avec ces choses la en France a ce que je vois. Et tant mieux! :)

par blue H 300 17.12.2007 17:56

Lavax, et Arétina,  voila encore une discussion que je trouve passionnante.

Affirmer que tous les livres traitant les perversions humaines, sont mauvais, c'est effectivement passer de ton point 1 à ton point 2. C'est effectivement conduire à des autodafés, et je condamne aussi cette attitude. Ce n'est pas la mienne.
Mais il ne faudrait pas non plus à l'opposé, considérer que toute personne qui  parle d'éthique est, soit quelqu'un qui demande à ce que soient exposé des évidences, soit un censeur.

Je présenterais les choses en trois niveaux, et non pas deux :

(a)-1a pratique: La loi des Etats n'a jamais totalement empêché les pratiques. Le fait que cela soit condamné ne signifie pas qu'il n'y ait personne qui ne mette en pratique ses penchants nécrophiles. Cependant, ce n'est pas de ce degré là de réalité dont je parlais, car c'est effectivement une accusation absurde. Si tous les gens qui regardent des films sur les tueurs en séries en étaient, la situation serait grave.

(b)-le fantasme:  On condamne un nécrophile, mais la justice ne condamne pas le fantasme de nécrophilie. Il faut bien distinguer l'imaginaire du réel. Mais si la justice n'a rien à dire, ce n'est pas le cas de l'éthique.  C'est ce qui m'a géné dans les propos de Jean Yves Cendrey dans l'article qui lui était consacré dans "le magazine littéraire" : il affirmait que si il s'était élevé contre un pédophile dans la réalité, il n'avait rien contre le fantasme de pédophilie. Sous prétexte de ne pas confondre l'imaginaire de la réalité, je ne pense pas que l'on doive s'empêcher de porter un jugement moral sur le fantasme. Même si il n'est fait de mal à personne ce fantasme est pervers. Je ne me sentirais pas bien si je l'avais.
Certaines personnes peuvent aimer lire ces livres parce qu'ils en partagent le fantasme, on ne peut pas l'exclure.

(c )- La curiosité envers la nature humaine: Ici les lecteurs ne partagent bien entendu pas les pratiques ni le fantasme. Quel plaisir prennent-ils alors à les lire ? Il ne s'agit pas de plaisir. L'intérêt de telles lectures vient de l'idée que ces cas extrêmes nous disent quelque chose sur ce qu'est l'Homme. Ni le lecteur ni l'auteur ne sont dans ces cas moindrement pervers. C'est clairement dans cette catégorie que je comprends ta démarche Lavax. Ce qui me surprend chez des gens comme Pierrat, et bien d'autres, ce sont deux choses:
-1 Il y a chez eux, peu d'expression de ce qui se rapproche d'un jugement éthique. Peut-être est-ce de peur de passer pour des censeurs en puissance. Peut-être est-ce aussi en réaction aux points de vus qui ne dépassent pas le jugement de goût particulier. En tout cas, je trouve que cela manque. L'intérêt de se pencher sur ces penchants sombres est aussi de mieux contrecarrer ce qui s'exprime en nous de façon différente et moins prononcée.
-2 Une chose qui m'intrigue aussi c'est la prédominance du lien entre éros et thanatos dans littérature de qualité. Je sais effectivement que dans la réalité il existe. Le sexe est utilisé pour réduire l'altérité. Le nécrophile croit enfin pouvoir se rapporter à l'autre sans qu'il y ait de volonté qui s'oppose à la sienne. Le cadavre se distingue des choses, il reste en lui une altérité, mais est une altérité moins vigoureuse que chez les vivants.  Autant je crois que ce coté sombre de la sexualité existe et qu'il est intéressant de se pencher dessus ; autant si j'aime le sexe, c'est parce que je pense qu'il peut à l'inverse être le lieu le plus riche de l'ouverture à l'altérité.  Pourquoi tant de gens pour lesquels j'ai du respect semblent avoir consacré plus d'intérêt au premier aspect qu'à ce dernier ? Cela m'intrigue. Je cherche à comprendre.


@Arétina, Je n'ai pas répondu directement à ton intervention, mais elle m'a intéressée. Je suis d'accord qu'il y aura toujours des gens qui manqueront de recul critique, et que la censure peut valoriser encore plus la réalisation de ce qu'ils lisent où regardent. Je n'avais pas envisagé cet effet pervers là de la censure.

par Lavax F 300 18.12.2007 22:04

Ok.
Dans le cas d'une perversion sexuelle, Blue, je pense qu'un psychiatre (non expert auprès des tribunaux) qui porterait un jugement moral sur son patient serait un mauvais psychiatre.
Un médecin qui soignerait un alcoolique, une prostituée atteinte du sida, et qui se permettrait de penser ou de dire: "ce n'est pas bien", serait un mauvais médecin.
De même, quelqu'un qui rend compte d'un ouvrage de Simona Vinci (narrant des relations SM entre enfants), et qui dirait: "ce récit est immoral", ne dirait franchement rien du roman.

Je ne suis donc pas sûre qu'il soit toujours nécessaire de tenir ouvertement un jugement moral, en tout domaine: dans le domaine de la morale, oui. Dans le domaine juridique, les jugements de justice s'imposent. En mathématique, la morale n'a rien à dire. En littérature, je ne pense pas qu'elle ait non plus grand'chose à dire.
En médecine, des éthiques sont possibles (la morale me paraît avoir un rôle fort restreint), liées à telle maladie en particulier nécessitant tels soins.

par blue H 300 20.12.2007 05:28

.        Si l'éthique se limitait au jugement "c'est bien" ou "ce n'est pas bien", alors effectivement parler d'éthique n'apporterait pas grand-chose.  Elle ne se limite pas à un simple jugement mais essaie de comprendre les causes du mal et aussi sa nature. Contrairement à une morale moralisante, elle ne caricature pas son objet, mais est sensible  au caractère humain de certaines déviances.

Je ne suis pas convaincu par le parallèle avec le psychiatre et le médecin.  De toute façon, je trouve que la dimension professionnelle complique le débat.

              Les domaines ne sont pas tous totalement clos. Le domaine juridique est clairement distinct de l'éthique, mais il est loin d'y être totalement indifférent. La littérature ne parle pas que de la littérature ; elle peut brasser et entrecroiser bien des champs. Tu affirmes que cette œuvre parle de l'amour. Voilà une affirmation aux implications éthiques.... L'amour, l'amitié, la sexualité et tellement d'autres choses qui peuplent la littérature, brassent des considérations éthiques, qui ne s'y réduisent pas, mais ne peuvent pas en être débarrassées.

           La littérature en tant qu'art, traite au moins d'une certaine forme du beau. J'ai cru comprendre de ton avis sur le Banquet de Platon que même cette notion pouvait être en lien avec l'idée du bien.  Les domaines ne sont pas si étanches. Quand on contemple un tableau de Bacon, certes, l'important n'est pas de le réduire à l'idée qu'il exprime des  penchants mauvais en nous. Mais ce qu'il dit de la noirceur de l'homme tout en étant bien plus riche que le simple qualificatif "mauvais", n'est cohérent que par rapport à l'idée que c'est justement de noirceur dont il s'agit.


           Allez, faisons fi de l'éthique, car je m'égare. Ce qui m'intéresse ce n'est pas le regard que je porterais à des œuvres que je n'ai pas lu, mais le tien. Donc, si je me suis trompé sur mon point 3, peux tu m'éclairer alors sur ce qui est recherché par ces lectures. Et ne me dit pas qu'il ne s'agit que d'un intérêt historique sur la psychiatrie, car, si comme tu le montres, il ne faut pas mélanger les torchons avec les serviettes, alors la littérature doit aussi, j'imagine, être distinguée du domaine de l'histoire….

par Lavax F 300 20.12.2007 21:59

Une seule réponse: on ne lit pas toujours pour son plaisir. Je lis pour lire, parce que lire, c'est apprendre toujours plus; plus j'aurai lu de livres, mieux je me sentirai "dans ma vie".
Pour moi, tout livre est digne d'être lu; maintenant certains excitent, à certains moments, plus ma curiosité que d'autres. Et certains volumes, très mauvais, ne seront guère que feuilletés (il faut faire un choix, la vie est courte, tous les livres ne pourront être lus, ce choix se fait en fonction des intérêts. J'aime beaucoup qu'un livre soit un hapax, qu'il soit inouï, "à côté").

par blue H 300 20.12.2007 23:21

Lavax, la soif de connaissance et de lecture est une belle chose. Je te remercie de la partager avec nous. Je profite de cette qualité que tu as, par tes avis. Ils éveillent ma curiosité sur des domaines où je ne me serais sans doute pas attardé. Merci donc pour tout cela.

par Lavax F 300 20.12.2007 23:51

:)