Avis

Essai de Roman La philosophie dans le boudoir par Cyrene
par Cyrene H 15 19.02.2007 23:46
Style, qualité d'écriture 4/4
Originalité des situations 4/4
Description des scènes d'amour 4/4
Intérêt de l'histoire 4/4
Note Générale 4/4
Les plus : Rythme imposé par des dialogues savoureux, les positions suréalistes, la synthèse des principes philosophiques de Sade.
les moins : Aucun

Tout est presque dit dans l'avertissement de Sade aux lecteurs. Il s'adresse aux libertins, de raison et de coeur, et que les autres passent leur chemin. C'est l'oeuvre essentielle pour amorcer les bases de la philosphie hédoniste. La théorie se mêle à la pratique dans des dialogues et des pratiques de hautes volées. C'est aussi le chef d'oeuvres de Sade qui permet aux plus pressés de faire l'économie d'une Justine ou d'une Juliette tant il résume parfaitement son état d'esprit, sa morale radicale et sa volonté de faire du plaisir et de la jouissance ses nouveaux Dieux.

 
   

Fiche Produit

Gallimard La philosophie dans le boudoir

La philosophie dans le boudoir

Avis, Essais, Comparer Gallimard La philosophie dans le boudoir

Marque : Gallimard
Date de sortie : 11/06/1976
Prix indicatif : 5.90 €

Auteur : Marquis de Sade
Littérature : Française
Siècle : XVIIIe
Collection : Folio
ISBN-10 : 2070368009
Nombre de pages : 312.00 pages

Commentaires

par blue H 300 20.02.2007 10:23

Merci pour ton avis Cyrene. Comme Lavax et moi, tu as été sensible à la beauté de ce texte. Quant au fait qu'il s'agisse là d'une oeuvre importante de la littérature française, il semble difficile de le nier en toute bonne foi.
  Voudras tu par contre préciser ce que tu veux dire en affirmant que cette oeuvre est essentielle pour amorcer les bases de toute philosophie hédoniste. Je dois avouer que malgré le génie de Sade, son hédonisme me semble être avant tout une réaction aux mœurs puritaines. J'ai tendance à y voir partout ce puritanisme gravé en négatif. Un hédonisme épanoui ne devrait-il pas être avant tout un élan positif ?

par Cyrene H 15 20.02.2007 19:25

Réaction aux mœurs puritaines, pas seulement. Je pense qu’il tente de poser les bases d’un libertinage sans limite, en ayant pour normes ses passions, normes qui s’avèrent inacceptables lorsqu’on les déroule jusqu’au bout de leur logique. C’est là qu’intervient le travail de chaque lecteur : quelle position tenir du point de vue de la morale ?
Pour faire court et utiliser une image rugbystique, je dirais qu’il n’y a pas de réaction mais une opposition farouche au terme de laquelle il propose son propre jeu, celui du culte de la jouissance, opposé au culte de la souffrance. Et c’est dans le culte du plaisir que chacun trouvera son élan positif, et là je rejoins tes propos.

par Lavax F 300 20.02.2007 19:31

Merci pour cet avis, Cyrene!
Je suis assez d'accord avec Blue, touchant le terme "hédonisme", que je trouve assez inapproprié... Mais c'est tout!
Continue à nous faire partager tes lectures!

par blue H 300 20.02.2007 23:17

Ta réponse qui est très intéressante, Cyrene. Et je me joins à Lavax pour souhaiter que l'on te trouve encore longtemps avec nous.
Ce que tu dis sur la dynamique positive que cette oeuvre peut produire sur les lecteurs, est très parlant. Effectivement, une fois les évidences des mœurs sociales en place détruites, le lecteur a deux choix: suivre Sade jusqu'au bout (ce qui n'est pas à exclure); soit se positionner par rapport à cette pensée et déterminer ses propres limites. Cependant, en le faisant, le lecteur devra trahir la pensée Sadienne, puisque pour Sade la morale n'a en fait aucune pertinence. C'est pourquoi je pense qu'un libertinage sans limite ne peut être le fruit que d'une réaction. D'ailleurs, parler du culte de la jouissance chez Sade ne permet pas tout seul de déterminer la sa pensée, car la jouissance, en réalité,  est sans doute beaucoup plus large que celle qui est abordée chez lui. Pour définir sa pensée, il faut rajouter comme tu l'as fait, la précision que c'est un culte de la jouissance opposé au culte de la souffrance (entendu ici comme désignant la religion catholique et la privation des plaisirs). De toutes façons, en sachant que tous les plaisirs ne sont pas compossibles, toute philosophie hédoniste qui n'est pas naïve sait qu'elle devra prôner un certain choix des plaisirs. C'est ce que fait Sade en abordant essentiellement des plaisirs contraires à l'ordre moral. Je ne pense pas que ce soit l'approche la plus judicieuse, car elle consiste en quelque sorte à "jeter le bébé avec l'eau du bain", et finalement à laisser sa pensée très dépendante de ce qu'il critique.  
Mais il faut reconnaître à Sade une pensée malgré tout solide, une grande modernité du propos et même un courage incroyable pour l'époque.

par Cyrene H 15 22.02.2007 20:45

Je suis tout à fait d'accord avec ce que tu dis, Blue. Je veux bien accorder une part de déterminisme, qui consiste, pour Sade, à revendiquer (certains diront qu'il se déresponsabilise) ses passions au nom de l'inébranlable loi de l'équilibre naturel. Merci pour vos avis Lavax et Blue.

par Lavax F 300 23.02.2007 00:40

Cyrene, c'est nous qui sommes heureux de te trouver parmi nous pour enrichir les avis du Club!
Bienvenue à toi!

par blue H 300 23.02.2007 20:54

Pour t'expliquer pourquoi cette précision m'est apparue importante, je vais me permettre un petit détour.  J'ai discuté, il y a quelques temps de ça avec le propriétaire d'un magasin de vidéo. Il me disait avoir recherché au début des films érotiques ou pornos de qualité, et que ça avait été un vrai flop! Il a dû se résigner à avoir une approche plus commerciale. Et il m'affirmait que plus un film était gore, plus il avait de succès… et cela pour tous les types de clients, couples confondus.
Ce penchant à voir dans ce qui est crade une source d'excitation sexuelle, m'a intrigué. Je pense que ceux qui se croient libérés des tabous par le fait de rechercher ce qui est réprimé par la morale, ne le sont pas du tout. Une morale sclérosée, imposée chez nous par le christianisme a réussi à imposer que la sexualité ne visait que la reproduction, et que le plaisir sexuel qui en est indépendant est sale. Beaucoup de ceux qui croient s'être défaits de ces jugements moraux d'un autre temps, n'ont en fait pas remis en cause le jugement porté à l'acte sexuel, mais se le sont approprié: "le sexe est sale, mais moi qui suis libéré, j'aime ce qui est sale…". Alors on comprend le goût pour les vidéos gores ; le fait que des mots comme "salope" et "cochonne" prennent des connotations excitantes. Des pratiques plus rares suivent cette même logique, comme la scatophilie, la zoophilie, etc… La sexualité ne suit plus son propre chemin, mais est guidée de façon à rechercher tout ce que la société condamne. Cela finalement s'accorde assez bien aux penchants de notre inconscient.  
         C'est à mon sens ce travers que l'on retrouve chez Sade. Certes, il montre avec justesse le ridicule de certains interdits comme ceux qui portent sur la masturbation, la fellation, le cunnilingus, etc… mais en lutte contre tous les interdits moraux, il range dans le même sac la prohibition de l'inceste, fait l'apologie de certaines formes extrêmes de violence, etc…
Cette forme de philosophie à coup de marteau (avant l'heure), a de très bons aspects, mais elle ne fait pas dans la finesse.  En lutte contre tout ordre culturel sensé s'opposer à la vraie nature, elle s'engage en fait dans un combat chimérique. On peut alors se demander si il s'agit vraiment d'un hédonisme chez Sade. Certes le plaisir est recherché, mais est-il ce qui est premier, ou n'est-il pas finalement que la conséquence d'une préoccupation qui prime sur lui?
        Quelque soit la réponse que l'on choisit d'apporter à cette première question, j'ai tendance à penser qu'un hédonisme réellement libéré des conventions sociales, ne se préoccupe ni de les suivre, ni de les contredire, même si il peut faire l'un et l'autre. Un tel hédonisme refuse simplement de considérer la sexualité comme une chose sale que l'on rejetterait ou rechercherait pour cette raison. Alors, peut être que des éléments qui n'ont rien de révolutionnaires, tels la tendresse, ou la beauté de l'environnement, peuvent apparaître parmi tant d'autres choses, comme étant source de plaisirs intenses lors de l'acte sexuel. Cette dimension là n'est pas présente chez Sade, et pour cause: ce n'est pas sa préoccupation…

Je partage donc ton point de vue sur le fait que cette lecture peut déclencher des choses très intéressantes pour le lecteur. Et je me suis permis par contre de réagir sur l'affirmation que c'est une œuvre essentielle pour amorcer les bases de la philosophie hédoniste….
       J'espère que tu m'excuseras, Cyrene, d'avoir un peu envahi ton avis, avec mes longues considérations… Mais elles sont la preuve que ton avis a su susciter chez moi un intérêt particulier.

par Cyrene H 15 24.02.2007 10:18

Je suis encore une fois d'accord. Je pense qu'il me faut être encore plus précis sur ce que j'entends par "amorcer les bases" : je ne fais pas références à la sexualité et autres pratiques, je voulais parler de l'athéisme, comme condition de possibilté de l'hédonisme. Le texte est virulent, même si les idées ne sont pas nouvelles. On les retrouve dans Dialogue entre un prêtre et un moribond, dans Les crimes de l'amour, dans le poème La vérité, dans Aline et Valcour...etc... C'est cette énergie dépensée à devenir athée de raison après l'être de coeur qui me fait dire que c'est essentiel, et non pas la dialectique de plaisirs violents.
La libération à laquelle je faisais référence, c'est la libération de la transcendance. Après, que Sade pousse sa logique jusqu'au bout, je l'ai dit dans mon premier commentaire, c'est inacceptable.
J'ai donné mon avis sur Les onze mille verges d'Apollinaire. Encore une oeuvre avec une dialectique de la violence. J'y parle d'humour et non d'excitation. Pour le coup, ce livre ne m'a pas excité du tout.
Aujourd'hui, dans mes lectures érotiques, je ne trouve pas ou peu de livre qui ont une dimenssion autre que la simple succession de situation. J'adore La femme de papier de Françoise Rey, le livre est très excitant et bien écrit, mais même si Venus Ertica d'Anaïs Nin est moins érotique, même si Sexus d'Henry miller est moins érotique, je préfères encore ces deux livres à La femme de papier. J'aime les livres qui ont ou peuvent avoir un impact sur la pensée comme sur le corps.
Je partage encore une fois ton analyse, même si je suis moins sévère sur Sade.
Je maintiens donc mon avis sur "amorcer les bases" si nous nous en tenons à l'athéisme et non à la dialectique des plaisirs.

par blue H 300 26.02.2007 09:01

Dans le sens où tu le précises, je comprends que tu le maintiennes, Cyrène. La  religion catholique et l'hédonisme ne semblent pas êtres facilement compatibles. Il y a certes quelques mystiques qui semblent avoir des relations quasi sensuelles et orgasmiques avec le divin, mais de là à les dire hédonistes, il y a un pas que je ne franchirais pas… Je suis content de t'avoir un peu questionné, car cela ma permet de constater qu'il y a bien des lectures sur lesquelles il me ferait plaisir de lire tes avis.
     Il n'y a pas, je pense, de désaccord profond entre nos deux points de vus. Si je suis intervenu, c'est pour exposer une réflexion somme toute assez générale. J'espère qu'elle intéressera quelques uns, et qu'il y réagiront peut-être…