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Avis Magazine Expansion Le magazine Littéraire N°470 - Les enfers du sexe de Sade à Houellebecq par blue
par blue H 300 09.12.2007 13:33
Choix des thèmes sexo 4/4
Intéret des articles sexo 4/4
Illustrations des articles sexo 4/4
Interêt général du magazine 4/4
Rapport qualité/prix 4/4
Note Générale 4/4
Les plus : Complet et cohérent, beauté des illustration et de la mise en page.
les moins : il y a des petites critiques à faire de différents articles, mais je n'y vois rien de général.

Inspiré par l'exposition à la BNF, ce dossier est vraiment une très bonne surprise. Les articles ont de l'âme. Ils sont critiques tout en donnant envie de lire. Ce dossier de 38 pages est très bien illustré.

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-"Du plaisir à l'hypersexe" par Claude Arnaud
-"Romancer le sexe" par Bernard Fauconnier
Ces deux premiers articles dressent un constat assez proche sur l'évolution de la littérature quant à la sexualité: un culte de la performance au détriment de l'émotion et du désir. Cependant, je n'ai pas eu l'impression d'une répétition. Les écrits arrivant avec talent à développer une liste impressionnante de référence sans perdre la cohérence du propos ni le fil narratif.

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-L'interview de Michel Houellebec m'a charmé, et en même temps me laisse perplexe.
Houellbec dit être plus attaché que les autres à décrire les sensations et les sentiments autant que les actes. Il semble développer une vision de la sexualité qui atteint le sublime. Cela me transporte d'enthousiasme, mais pourtant, bien que je n'aie pas lu ces livres, cela ne me semble pas correspondre aux critiques que j'en aie lus ; ni d'ailleurs à la présentation de son œuvre que fait Dominique Rabourdin. Là au contraire, je trouve une sexualité désenchantée et froide.
Est-ce moi qui ne comprend pas la cohérence de tout cela ? L'article à le mérite de me donner davantage envie de le lire pour m'en rendre compte.  
C'est avec plaisir aussi que je trouve Chez houellebec l'affirmation selon laquelle "le sexe et la transgression n'ont rien à voir". Je ne serait pas sûr d'être aussi catégorique, mais cela fait du bien de ne pas sans cesse aller chercher l'originalité dans la surenchère de la provocation.
Juliette cerf, fait d'ailleurs à ce titre,  une critique vive mais qui semble méritée du dernier livre d'Alain Robbe Drillet : "un roman sentimental".


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-C'est aussi cette affirmation que l'on retrouve chez deux auteurs dans deux articles différents "sexe et viellesse" de Héléna Marienské et "Le désir et le deuil" de Philipe Forest.
Cette première dénonce le lien fait entre Eros et Thanatos : "On trouve chez des auteurs admirable l'idée que la décharge amoureuse est cousine de la mort -Sade, Bataille, Quignard et bien d'autres. Il me semble que c'est une problématique d'hommes: éjaculer, une petite mort ? "
Leurs articles ne se résument pas à ça et méritent d'être lus.

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-"Les derniers tabous" raconte l'histoire vraie du combat difficile d'un pornographe (Jean Yves Cendrey) contre un instituteur pédophile, relaté dans "jouets vivants". On voit alors qu'aller contre les bonnes mœurs en écrivant de la pornographie, au contraire de rendre laxiste contre les abus, peut donner la liberté d'esprit pour s'opposer à un immobilisme ambiant.  Par contre j'avoue ne pas bien comprendre comment le même auteur peut distinguer autant le domaine du fantasme de celui de l'acte, lorsqu'il affirme ne rien avoir contre le fantasme de pédophilie. Si ces deux domaines sont distincts, le second reste tout de même à mon sens à combattre, mais bon…

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-"Philosopher la sexualité" Michela Marzano signe ici deux très bons articles.
          Le premier porte sur critique de la volonté de réification à l'œuvre dans la pornographie. L'autre sur le consentement comme critère de ce qui est acceptable moralement et juridiquement. La mise en page est ici un peu confuse (les deux articles se chevauchent), mais les propos sont très clairs et précis. J'en conseille vivement la lecture. Même si comme l'avait mis à jour Emmanuel Pierrat dans une discussion radiophonique, pour suppléer au consentement, on a recours à la notion de dignité humaine qui peut s'avérer polymorphe et glissante… Mais ce n'était pas l'objet de cet article.

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-"De l'autodafé aux enfers de la bibliothèque", par Emmanuel Pierrat,
                Cet article ravira les amateurs de curiosas. Non seulement l'histoire des enfers des bibliothèques est menée, mais parallèlement, dix classiques de l'enfer nous sont présentés. Et pour couronner le tout, de très belles photos d'ouvrages rares de la collection d'Emmanuel Pierrat viennent illustrer le propos. C'est très riche et franchement magnifique ! Après avoir vu les illustrations de "La vie des nonnes" de l'Arétin, vous ne verrez plus jamais le joli avatar d'une de nos comparses de la même façon… Bien sûr, les présentations des œuvres sont trop courtes, elles concernent d'ailleurs d'avantage les auteurs que les œuvres, mais l'ensemble offre vraiment une lecture à laquelle on profite avec délectation. La photo du livre manuscrit de Pierre Louÿs, et illustré de sa main, m'a particulièrement plu.

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-La littérature en procès entretien avec Emmanuel Pierrat
               C'est un article sur l'évolution de la censure. Le ton est assez descriptif, mais c'est intéressant. J'y ai trouvé Emmanuel Pierrat un peu moins incisif et démonstratif que dans l'émission de radio dont j'avais donné les références dans la discussion "calendrier 2007 : événements érotiques". Le support papier retransmet mal la riche gamme d'intonations dont cet avocat use brillamment.

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-"Amateurs d'enfers"de Michel Delon,
         Il s'agit d'un hommage aux grands collectionneurs et défenseurs des livres des enfers. On y comprend entre autre, la naissance des grands noms des maisons d'édition érotiques.


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-"Eros médiologue" de Pierre-Marc de Biasi.
     On sent dans cet article l'agréable rigueur d'un chercheur u CNRS. L'article très bien fait. Il traite de l'évolution de l'érotisme à la pornographie. "L'érotisme ne s'oppose pas à la pornographie comme l'implicite à l'explicite, le gracieux au vulgaire, le doux au brutal. Non. Ce qui les distingue, c'est le rythme". Cet article n'a pas répondu à toutes mes questions, mais est très pertinent.

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-"Glissements progressifs de l'écrit à l'écran", par Juliette Cerf.
         Le titre est assez explicite. Il s'agit d'une réflexion sur la différence avec laquelle la censure s'applique aux œuvres écrites ou à leur adaptation au cinéma. On y trouve des propos originaux, tels ceux qui sont rapportés de Catherine Breillat selon laquelle il est plus intéressant de montrer que de dire, parce que l'image se heurte davantage à l'interdit.

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-"Le monde selon X" (6 pages) la littérature érotique de différentes régions du monde, est présentée par divers personnes dont certaines qui font autorité. C'est extrêmement intéressant.
sont traités: Les Etats-Unis ; le Caraïbes ; L'Afrique ; l'Espagne ; les Pays Arabes ; Le Japon ; La Chine  et l'Inde.  
Certains articles tombent plus que d'autres dans le piège d'un ensemble de référence dont ne se dégage pas assez un sens commun. D'autres ont vraiment éveillés ma curiosité, comme celui sur l'Espagne rédigé par Gérard de Portance. Il semble y régner un féminisme intelligent. Le roman "La Mujer Placer" de Lourdes Ventura, a retenu toute mon attention, bien qu'il me faudra attendre une traduction. Il est dit qu'elle propose "un nouvel hédonisme féminin" qui "donnerait au corps les prestiges de l'esprit". Programme alléchant en tout cas….

 
   

Fiche Produit

Magazine Expansion Le magazine Littéraire N°470 - Les enfers du sexe de Sade à Houellebecq

Le magazine Littéraire N°470 - Les enfers du sexe de Sade à Houellebecq

Avis, Essais, Comparer Magazine Expansion Le magazine Littéraire N°470 - Les enfers du sexe de Sade à Houellebecq

Marque : Magazine Expansion
Date de sortie : 01/12/2007
Prix indicatif : 5.80 €

Format : A4

Commentaires

par j-ose F 424 09.12.2007 14:46

ouah, un tel avis mérite une recommandation,...et une aspirine !
j'ai pas encore tout lu, j'avoue...

par Lavax F 300 09.12.2007 16:21

Merci pour ce travail de description qui nous permet de nous faire une idée.

J'avoue que je suis déçue sur le type d'articles choisis; l'expo de la bnf est plus apparemment prétexte à commentaires que sujet à un travail et à informations; tu me contrediras si je dis n'importe quoi, mais il semble que le style des articles n'est guère savant (à part peut-être l'article de Michel Delon?, et les articles de Pierrat?), et ne comporte guère d'informations historiques. Je trouve dommage de céder à la mode (Michel Houellebec).

par Aretina F 399 09.12.2007 16:27

Ah, je veux ce numéro du magazine littéraire!
Merci pour cet avis instructif et qui place ce numéro dans un must dans la bibliothèque!
Ce que j'aimerais particulièrement lire de plus près sont les articles de Michel Delon, "Le monde selon X", de Philipe Forest et Emmanuel Pierrat! :)

NOTE: et oui, le monde clérical et monacal a toujours  su occuper l'esprit de l'Aretin! ;)

par j-ose F 424 09.12.2007 18:17

ça y est, j'ai lu...
Blue, tu es un fin critique littéraire
l'article sur houellebecq t'a t'il donné envie de lire un de ses livres?

par Lavax F 300 09.12.2007 19:56

Un addendum, Blue, afin que tu entendes bien ce que je veux dire: ni pour le dernier Robbe-Grillet ni pour Houellebecq, il n'y a sens à parler d'Enfer; c'est là de la littérature qui circule non seulement au-dessus du manteau, mais qui ne fonctionne que sur la médiatisation abusive. On trouve ça dans toutes les librairies, dans les grandes surfaces, et dans toutes les bibliothèques, communiqué à tout public: cela n'a rien à voir avec un Enfer.

L'Enfer est au contraire intimement lié à la censure, au livre interdit, à la publication déguisée (auteurs anonymes, maisons inexistantes, dates erronées, etc), que Pascal Pia, Guillaume Apollinaire, Louis Perceau, Fernand Fleuret, et d'autres, retracent admirablement. Il remonte aux dernières années du Second Empire, et désigne cette partie d'une bibliothèque, et plus précisément de la Bibliothèque Nationale, qui n'était pas ouverte au public, pour receler des ouvrages licencieux (de tout type, d'ailleurs).

Le fait d'élargir indéfiniment la notion d'Enfer (qui est une notion historiquement construite, et non une catégorie fourre-tout) fait qu'elle ne signifie plus rien! Aussi trouvé-je le titre même du Magazine Littéraire particulièrement mal choisi et racoleur.
Ajouter le mot "sexe" va, au reste, dans ce sens. On croirait un titre de revue féminine.

par blue H 300 10.12.2007 01:12

-@J-ose: Je suis hésitant avec Houellbec. J'ai eu quelque fois envie de le lire, mais je dois dire que ce qui ressort de son œuvre par les critiques m'en dissuade un peu. Indépendamment de toute considération précise sur son oeuvre, cela est dû à quelque chose de plus général chez moi. Pour moi, tandis que l'art excède de loin le domaine de ce qui est plaisant, dès qu'il s'agit d'érotisme, par contre, la dimension normative est présente. Ainsi, j'ai dû mal à être sensible à la dimension érotique des oeuvres qui ne m'émoustillent pas. Cela peut même aller jusqu'à parasiter l'expérience artistique qu'elle offrent. L'idée de compétition par le sexe, et le désenchantement qui semblent se trouver chez Houellbec suffit à me faire hésiter de le lire. Mais plus grave encore, cela me freine dans mon envie de lire des œuvres telles que les "Onze mille verges" dont Lavax m'a convaincu que cela relevait du génie.
Et toi, tu as lu Houellbec ?

-@Arétina: Je vois que Madame a envie d'un menu à la carte... Est-ce pour avoir le temps de le lire avant les vêpres ?  ;)

-@Lavax: Je crois que tu as effectivement raison, et ta déception trouve légitiment place auprès de mon enthousiasme. Il ne s'agit effectivement pas d'un travail savant. Et effectivement, le thème des enfers, sans être uniquement un prétexte, est élargit.  Dans la liste des articles plus rigoureux, je rajouterais celui de Michela Marzano. Par rapport à son intervention radiophonique, qui bien que plaisante, m'était alors apparue un peu légère, son article ici, est une bonne surprise. Par contre, je crains qu'avec Arétina, tu sois déçue vis-à-vis de l'article de Michel Delon. Non pas par rapport à sa qualité, mais parce qu'il ne dispose que d'une seule page. C'est sans doute trop court. Et du coup, ce n'est pas l'article qui m'a le plus marqué.
        Pour défendre néanmoins la cohérence de ce dossier vis-à-vis de la thématique des enfers, on peut, avec Emmanuel Pierrat dans son article :"De l'autodafé aux enfers des bibliothèques", remarquer qu'à l'heure actuelle, chaque conservateur continue de placer certains ouvrages en réserve, et de ne les communiquer que sur demande. Cela conduit, c'est vrai à tolérer en un sens moins rigoureux, un grand élargissement du terme d'"enfer".
Peux tu m'éclairer :  je me demande si dans les enfers "au sens strict", un tri sérieux envers la qualité des ouvrages était effectué ? En d'autres termes: à ton avis, est-ce qu'un "la vie sexuelle de Catherine M" y aurait eu droit si la politique des enfers était toujours actuelle ?

par Lavax F 300 10.12.2007 01:35

Bonsoir Blue!

Pascal Pia explique que le regroupement des volumes dans l'Enfer de la BNF est vite apparu arbitraire au conservateur en chef du département des Imprimés, et à ses adjoints; la création de l'Enfer remonte au début du second Empire, mais est probablement imputable à la République et au ministère de l'Instruction Publique, et à 3 hommes en particulier, en 1873 et 1874: Waddington, Batbie, et Fourtou (joli nom pour une telle entreprise).
Ils demandèrent à ce que tous les livres scandaleux par leur texte ou leurs gravures soient mis à l'écart, ce qui supposait d'examiner toutes les séries de poésies, romans, théâtres, polygraphies, etc.
Le tri fut sans doute effectué sur plusieurs années, et sous la direction de Taschereau d'abord, puis de Delisle (dont les desiderata ont pu varier).

La numération porte témoignage de cet arbitraire avec lequel le classement a été effectué; les ouvrages numérotés en premier datent de 1878, alors que les ouvrages du XVIIeme ont été répertoriés beaucoup plus tardivement.
On y trouve, explique encore Pia, "tout un lot de minces brochures belges marquées soixantes centimes et dont la niaiserie ne vaut pas même un sou. Il est vrai que lesdites brochures provenaient de saisies faites vers 1872 par le service des Douanes. Qui oserait contester la compétence du douanier dans le domaine de l'infra-littérature?"
D'autres ouvrages ont été mis en Enfer parce qu'ils avaient valu des condamnations à des éditeurs, qui du coup, accablés d'amendes, étaient partis à Bruxelles. Mais ces mêmes ouvrages, dans leurs éditions anciennes, ne figurent cependant pas dans l'Enfer!

J'ajoute que des volumes licencieux parus au début des années 1900, en n'ayant subi aucune censure ne figurent pas dans l'Enfer de la BNF. En tout cas, à plusieurs reprises, me reportant au volume de Pia (et au CCFR), j'ai pu constater que tel érotique n'est pas à la BNF. Il y a sans doute des ouvrages fort peu érotiques (et quantité de littérature sans intérêt en tout cas, sauf peut-être pour leurs gravures) et d'autres qui au contraire ont échappé aux bons soins des conservateurs successifs.

Donc, aucun tri de qualité envers les ouvrages de l'Enfer; le critère était purement policier (procès, saisies en douane), et amenait les conservateurs à procéder à un classement parfois peu rigoureux, puisque certains ouvrages y étaient classés, alors que leurs éditions antérieures demeuraient accessibles en d'autres parties de la bibliothèque.

Il serait intéressant de savoir sur quel critère on met aujourd'hui un ouvrage en Enfer.

EDIT: "La vie sexuelle de etc" n'a pas subi de censure; elle est pleinement où elle est; dans tous les rayons. Elle est conforme à son siècle. Et son exhibitionnisme médiatique n'aurait guère eu de sens à un autre siècle. Elle est du siècle de la télévision, de la radio, de l'internet, et des journaux. Et du nombril.

par blue H 300 10.12.2007 01:52

Merci Lavax! Si tu avais écrit un article dans cette revue, je l'aurais acheté au moins en double exemplaires! ;)

par Lavax F 300 10.12.2007 14:01

C'est lui [souligné] qu'il faut remercier (et en plus il y a de la musique: et là, il faut dire aussi "merci Elmo"!!):
produit > les livres enfer xvie siecle nos jours

par Aretina F 399 10.12.2007 14:04

Hello, Lavax! :)

Voila enfin l'explication de la presence de la petite fenetre qui invite a installer le plug-in! C'est la musique! :)

Merci tant, Lavax! :)

par Colline F 415 10.12.2007 21:37

Bravo Blue ... et Lavax.

Une recommandation de plus.

:)

par j-ose F 424 10.12.2007 21:38

@blue, non pas du tout, pas lu...pas tentée, et ce que tu en dit ne me fait pas changer d'avis...
en général, quand je lis sérieux, c'est un peu plus psy...