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Avis Seduced: Art and Sex from Antiquity to Now par sensuelle
par sensuelle F 147 20.01.2008 16:16
Cadre 1/4
Richesse de la collection 3/4
Intérêt de la collection 3/4
Mise en scène 1/4
Documentation et signalétique 3/4
Rapport qualité/prix 2/4
Note Générale 3/4
Les plus : Belle collection, oeuvres d'art de diverse provenance, exposition inédite et ambitieuse, fonds reversés à la lutte contre le SIDA.
les moins : Scénographie et muséographie peu attrayantes,peu de sculptures.

Ma visite au Barbican :
  
    Le visiteur qui, comme moi, connaît mal la topographie londonienne, se rendra d'un pas hésitant vers la Silk Street. Le quartier est désert et seule une pluie battante semble pouvoir l'animer. C'est dans ce bâtiment en béton, prototype d'une architecture des années 1970 qui tente vainement d'approcher l'art de Le Corbusier, que l'on se trouve confiné comme dans un blokhaus. Une fois à l'intérieur, cet espace polyvalent se veut une ode à la culture : théâtre, cinéma, bars, bibliothèque ; bref une sorte de Beaubourg anglais. L'exposition qui nous occupe se situe à l'étage. Qui a dit que l'érotisme n'élevait pas l'esprit et les sens ?

    La musique de fond et la muséographie choisies sont nettement moins sexy que ce que le site internet le laissait supposer. Règne une atmosphère grave et pesante où, une fois de plus, Thanatos fait de l'ombre à Eros. Le public, lui aussi, a un air sombre et patibulaire : quelques couples, beaucoup d'hommes et de femmes seuls parcourent l'exposition avec l'air de suspects redoutant d'être arrêtés.

    Pour autant, mes yeux, mes sens, et mon esprit sont prêts à jouïr du spectacle de la représentation humaine du désir, de l'amour et autres transports extatiques. Aussi, je ne retiens pas mon émotion devant des fresques pompéiennes et la vue des mini-phallus en cuir ou d'objets du quotidien m'amuse grandement.

  Les positions du Kama-sutra peintes sur manuscrits faisaient parties des attendues. Mais il est toujours plaisant de regarder d'un air sceptique ces torsions dignes des plus grands gymnastes et qui sont attribuées à tous les rajahs, mais également frères, neveux et oncles des souverains indiens. Viennent ensuite, les estampes japonaises dont on ne peut qu'admirer la finesse du dessin, le goût pour la ligne, et le souci du détail. Néanmoins, hormis, Utamaro, maître du genre, tous les autres artistes japonais ont peint des sexes démesurés, représentés avec une minutie qui confine à l'observation clinique. Le moindre poil présent sur les testicules, la forme des sexes féminins est ciselé avec une précision étonnante. Et pourtant, l'acte sexuel revêt un aspect sordide et artificiel, tant les sexes emboîtés sont grossis à l'excès, si bien que certains pénis deviennent une couche de magma informe, chair en fusion qui est tout sauf excitante.



Le voyage vers l'Orient se poursuit vers l'Extrême-Orient, la Chine, la Turquie et une de ses représentations osées d'hommes formant une queue leu leu sodomite...
  
    Rien à voir avec les gravures maniéristes du XVIème siècle ou avec les scènes galantes à la Watteau, les odalisques rieuses et voluptueuses de Boucher, les invitations sensuelles lancées par un Fragonard.

  Avec la photographie, nous tombons sur la chair, la vraie, celle de modèles s'exhibant sans complaisance, où la Vénus endormie cotoie la fille de bordel se prêtant à des clichés pornographiques qui, pour être en noir et blanc, s'avèrent loin de paraîre désuets. En m'approchant des photos encadrées, je constatai une fois de plus cet engoûment certain pour les les chapeaux.

    Autre époque, autre atmosphère dans la salle des années 1950 à 1960, nous sommes plongés dans ce temps moraliste qui vit l'établissement du rapport Kinsey, tandis qu'au mur, des photographies montrent de façon quasi scientifique toutes les pratiques existantes tant pour les hétéros que pour les homosexuels. Bizarrement, l'on retrouve là le même souci scientifique observé plus avant dans les estampes japonaises, sauf que sur le papier calligraphié seuls les sexes vivent ; les visages, eux, demeurent impassibles...

L'étage enfin est dévolu à l'érotisme contemporain. Les classiques tant attendus ne sont finalement pas si bien représentés que cela. Une esquisse érotique de Rodin par-ci, un dessin de Klimt par-là, ainsi que quelques oeuvres de Turner, Schiele, Picasso. Mais l'on attendait nettement plus d'oeuvres de ces maîtres de l'art si chargé d'érotisme. L'on fait cependant quelques découvertes... Les photos de Nobuyoshi Araki sont troublantes de beauté qui rivalise avec l'étrangeté. Son oeuvre en noir et blanc découpe sans concession des fragments de corps ou de fruits et la pureté d'un regard cohabite avec une grenade coupée en deux, sexe carnivore et béant.
Entre attraction et répulsion, Nobuyoshi Araki flirte avec le sublime d'un corps féminin.

Dans un autre genre, k r buxey se fait le chantre de l'orgasme féminin célébré avec autant de grâce qu'un requiem...

Le kitsch a trouvé son porte-étendard en la personne de Jeff Koons, tandis que Thomas Ruff, en parfait fumiste, se contente de récupérer des photos pornographiques sur internet pour en changer la résolution. Réduites à des ombres chinoises, les images d'un Rocco Sifredi ou d'un de ses confrères en pleine action deviendraient ainsi de l'art.
    C'est en ayant l'impression de braver un interdit que nous entrons dans la dernière salle, qui, à en croire un panneau d'avertissement, peut heurter la sensibilité du public. Nous voici dans l'univers de la photographe Nan Goldin. Des photographies de couples hétéros et homosexuels sont projetées dans la plus grande solennité du bruit des diapositives qui défilent tandis qu'une musique accompagne l'image. Il s'agit d'un chant de Björk, qui donne à ces photographies prises sur le vif, dans l'intimité et le quotidien des modèles, une dimension tragique, presque sacrée. Nous voyons tout à la fois, des couples au réveil, les traits tirés, des femmes surprises dans la simplicité de leur nudité, deux jeunes hommes sveltes tendrement enlacés, un couple d'étudiants dans un lit ou se caressant dans une baignoire, des couples libres dormant nus avec leur enfant... Aucune question ne nous vient, à moins, celle-ci purement rhétorique : où est le mal ? L'appareil photo ne juge pas, il semble caché dans les recoins du quotidien, un quotidien fait de rires, de sourires, de caresses, de corps plus ou moins beaux, montrés sans complaisance, sans retouches dirait-on, mais qui rayonne parfois. La musique -scandée au rythme des battements d'un coeur donne à l'ensemble une tension dramatique qui touche au tréfonds de l'âme humaine.

  
  Vous l'aurez compris, cette balade érotique, était loin d'être exhaustive. Sculptures et peintures étaient peu à l'honneur tandis que les manuscrits avaient la part belle. Mais l'effort reste louable car le projet était ambitieux. Nous reste alors à errer du côté de l'exposition sur Eros et l'Enfer qui se tient actuellement à la BnF.

L'érotisme dans l'art est un noble sujet, mais j'ai la faiblesse de préférer l'art que l'on met dans l'érotisme que l'on vit, et en ce cas, il n'est pas nécessaire d'aller à Londres pour le trouver. Il suffit de regarder près de soi pour savoir que l'érotisme se loge bien au chaud, le plus souvent, à fleur de peau...

 
   

Fiche Produit

  Seduced: Art and Sex from Antiquity to Now

Seduced: Art and Sex from Antiquity to Now

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Dates : Terminé
Date de début : 12/10/2007
Date de fin : 27/01/2008
Lieu : Barbican Art Gallery
Ville : Londres
Pays : Royaume-Uni
Site Officiel : http://www.barbican.org.uk/artgallery/event-detail.asp?ID=5625
Public : Interdit -18 ans

Commentaires

par Cucurbita H 300 20.01.2008 16:33

Merci pour cette très agréable lecture sur une expo qui semble être une bonne première approche pour les personnes interressés par le thème.

Sais tu si cette exposition est itinérante?

Cucurbita

par Lavax F 300 20.01.2008 23:51

Merci beaucoup pour ce compte rendu. La collection est-elle privée? Qui a eu l'idée de rassembler ces oeuvres assez hétérogènes?

par sensuelle F 147 25.01.2008 10:13

Cucurbita, je ne pense pas que cette expo soit itinérante. Néanmoins, aller Londres spécialement pour voir cette exposition peut s'avérer un peu décevant. Mais il y a aussi des choses à faire en France. La sexualité semble avoir le vent en poupe, et l'exposition sur L'enfer de la BnF, en est une preuve manifeste.

Lavax, les objets provenaient parfois de collections privées (notamment pour l'art contemporain) mais l'on trouvait aussi des collections du Musée National d'Archéologie de Naples, des estampes du Département japonais du British Museum, du Rijksmuseum d'Amsterdam, des manuscrits et autres estampes de la BnF également ; bref, les 250 oeuvres venues du monde entier brassent toutes les époques et toutes les cultures.
Qui en a eu l'initiative ? Certainement la directrice du département des arts du Barbican, Kate Bush, dont voici le parti-pris : "Nous voulions pouvoir être audacieux, pouvoir montrer sans être obligés de faire attention aux jeunes regards" (l'expo est en effet interdite aux mineurs).

par Lavax F 300 25.01.2008 13:27

Merci de ces infos!
Pardonne-moi, Sensuelle, de poser une question naïve: la Kate Bush en question a-t-elle un quelconque rapport avec la chanteuse qui avait fait un tabac dans les années 80?

par Aretina F 399 25.01.2008 13:47

Hello, la compagnie! :)

@ Lavax: la même question que toi concernant Kate Bush! :)

@ Sensuelle: pour les collections du Musée National d'Archéologie de Naples, que peux-tu nous en dire?
(Une visite à Naples est prévue plus tard dans l'année et j'ai deja vu des reportages a la tele sur le Gabinetto Segreto. Donc tout information m'interesse!)
Merci d'avance! :)

par sensuelle F 147 27.01.2008 11:21

Merci à tous pour votre intérêt.

Aretina et Lavax : Pour Kate Bush, il s'agit d'une homonymie... Google, vous montrera mieux que moi, le vrai visage de la directrice du Barbican.

Aretina, sur le musée National d'Archéologie de Naples, je ne peux te dire que ce que j'en sais. Tu y trouveras de somptueuses fresques pompéiennes,des mosaïques, des statues(à ne pas rater : le Taureau et l'Hercule de la collection Farnese, et les statues gréco-romaines), mais aussi objets précieux, et des peintures érotiques. A mon avis, la visite de ce musée est incontournable pour qui veut se plonger aux racines de la civilisation gréco-latine.

par Aretina F 399 28.01.2008 09:03

Hello, sensuelle! :)

Gros merci pour ces renseignements qui augmentent mon envie et impatience de m'y trouver et voir toutes ces merveilles! :)

par Lavax F 300 28.01.2008 10:47

Oui, c'est nous qui te remercions!

par blue H 300 29.01.2008 16:21

sensuelle, quel bel avis !