Style, qualité d'écriture |
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Originalité des situations |
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Description des scènes d'amour |
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Intérêt de l'histoire |
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Note Générale |
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Les plus : style et qualité de l'écriture, rareté de ces textes
les moins : certains passages du second textes sont vraiment très dérangeants
Ce livre est assez intriguant. Il rassemble deux textes dont les noms évoquent des plumes féminines. Ce n'en est pas ainsi : Jeanne d'Asturie fut le pseudonyme choisi par Jean Cau, alors que l'identité réelle de Nicole Autrain restera un mystère.
De par leur contenu, ces textes étaient pur explosif à l'époque de leur première parution, la fin des années 1940 : La couleur des draps vers 1948, Carnet d'une invertie entre 1949-1950. Il vaut peut-être mentionner que Histoire d'O parut à la même époque. Ce détail peut avoir son importance ou pas.
Un autre point partagé par ces deux textes : l'écriture. On devine deux styles, deux imaginaires et deux vocabulaires distincts. Mais l'écriture est tout aussi raffinée, élégante, épurée dans un cas comme dans l'autre.
Sinon, les deux textes empruntent des chemins séparés.
Jeanne d'Asturie : La couleur des Draps Il s'agit du journal d'une jeune femme de 23 ans, avec un penchant (post-adolescent ou pré-midlife crisis ?) au spleen : elle fixe beaucoup sur l'inévitable de la routine - de la vie, du couple -, sur le passage du temps, sur le déclin physique, surtout celui féminin. La fin du journal est un peu brusque, même si le cours des pensées de la jeune femme conduit le lecteur vers cette issue : elle arrête au moment ou elle se sent prise sans possibilité d'échapper au concret, au quotidien.
Ce qui peut froisser les principes de bienséance de son époque ? Sa vie érotique qui dans les années 1940 peut être définie comme légère et désordonnée. Et sa révolte contre l'uniforme de l'existence considérée décente pour une femme : une vie délimitée par la condition d'épouse et mère. Son ironie et manque d'enthousiasme par rapport à ce type d'existence est une sorte de révolte. C'est aussi une introspection du besoin de la femme d'être perçue et reconnue comme un être avec pleins droits à l'autonomie, sur tous les niveaux.
Ses réflexions sont agréables à parcourir, les dialogues avec son amoureux ont un ton intime, sans trace de sucre ou pathétisme. Les dialogues ne servent pas à ponctuer des moments critiques, et c'est un aspect que j'apprécie. Les scènes érotiques joignent la farandole des réflexions d'une façon à part : elles se construisent autour d'un detail qui s'est figé dans la mémoire de la jeune femme. Un coup d'œil dans la glace où elle contemple sa nudité, méditation sur le 69, une marque amoureuse sur sa peau... voici les choses qui déclenchent des pensées et des souvenirs décrits ensuite.
Nicole Autrain : Carnet d'une Invertie Le second texte de ce volume est un dérapage graduel dans le fantastique. C'est une fantaisie érotique où le sadisme est poussé a l'extrême. Le Paris huppé d'après-guerre semble la scène d'une pièce absurde aux personnages fabuleux s'adonnant aux comportements et pratiques sexuelles extrêmes. Une jeune femme très belle, très riche nous introduit dans son existence très peu conventionnelle : celle une lesbienne expérimentale, temperamentale, qui ne se contente pas de passions vécues à moitié.
La violence semble d'être la force motrice de ce court roman : tomber amoureuse incite à l'agressivité, faire l'amour donne envie de détruire, vivre l'orgasme va main en main avec la mort. Je me suis surprise à essayer de retrouver les correspondants des contes de fées traditionnels ! Parce qu'il ne faut pas se leurrer : chaque personnage est plutôt un symbole, ou figure archétype : le parcours de Florence, la protagoniste, rappelle les aventures initiatiques des héros de contes. La fin ne surprend pas si on choisit d'aborder le texte sous cet angle.
Les comportements sont des métaphores, les sentiments sont des hyperboles. Les images violentes, les codes de comportement sembleront peut-être familiers à ceux qui ont lu l'Histoire d'O. Ce qui fait penser que l'on a affaire en fait a ce que l'on appelle en littérature les topoi, c'est a dire des lieux communs, des images dont la présence est nécessaire dans un texte pour qu'il soit défini comme appartenant à un certain genre.
Avec ces idées en tête, je pense que ce texte est plutôt dérangeant en forme qu'en fond. Quoi que...
Pour conclure : un petit volume pour les fans de curiosa, pour les fans de l'Histoire d'O, et pour tous ceux qui aiment la bonne littérature dans tous ces avatars.
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