Garnier Flammarion Le Banquet

Le Banquet

Avis, Essais, Comparer Garnier Flammarion Le Banquet

Marque : Garnier Flammarion
Date de sortie : 14/01/1999
Prix indicatif : 3.80 €

Auteur : Platon
ISBN-10 : 2080709879
Nombre de pages : 288.00 pages

Notes moyennes des avis

Intérêt  Le Banquet : Intérêt : 4,00/4 
Style, qualité d'écriture  Le Banquet : Style, qualité d'écriture : 4,00/4 

 
avis utilisateurs  (3)
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par blue H 300
10.02.2008

Intérêt 4/4
Style, qualité d'écriture 4/4
Note Générale 4/4
Les plus : Un chef d'œuvre !
les moins : propos un peu superficiels… OK je déconne!

Ce livre n’a pas pour but d’émoustiller, mais de développer une réflexion sur le désir. C’est un pur bonheur à lire. Comme le remarquait Lavax, c’est un dialogue très riche. Ce qui est plaisant, c’est que le ton est frais, et que l’ensemble est très digeste. Il n’est pas exempt de plaisanteries, et la qualité oratoire Y est particulièrement jubilatoire.
Les notes sont précises mais visent parfois des lecteurs érudits en la matière. L'introduction quant à elle est pédagogique et claire.

Composition :
On peut le diviser en quatre moments.
1 un préambule qui explique la transmission du récit (il y a tout au cours de ces dialogues de multiples niveaux de narration, sans que le propos ne perde en clarté, ce qui est remarquable).
2 les discours sur Eros que tiennent les convives du banquet.
3 le discours de Socrate qui s’opère sous forme d’un récit.
4 L’éloge que fait Alcibiade de Socrate, et qui nous permet non seulement de connaître d’avantage des qualités de cet homme hors du commun, mais aussi qui permet donner des indices sur la mise en pratique par Socrate de ses considérations théoriques.

---Quelques très bonnes raisons de lire ce livre:
Les Eloges d’Eros réalisés par les autres convives:


Voici quelques unes des idées très riches que l'on trouve dans ces discours, présentées de façon très sommaire dans l'espoir de vous donner juste l'eau à la bouche…

- La distinction des deux Eros par Pausanias : le premier est dit « vulgaire » et le second est appelé « céleste »… reste éclairante aujourd'hui …

-La pédérastie: Il est amusant de remarquer que seule la relation entre deux hommes est envisagée ici comme pouvant participer de l'éros céleste. Luc Brisson dans son introduction explique très clairement en quoi la pédérastie est à distinguer de la conception actuelle de l'homosexualité. Elle est une relation fondamentalement dissymétrique et hiérarchisée.

-Le mythe de l'androgyne par Aristophane: il illustre, tout en en étant aussi une des sources, la conception fusionnelle de l'amour comme la découverte de "l'âme sœur".

-l'Eros comme source des vertus morales: Cette idée est déjà présente chez Phèdre, mais c'est chez Agathon que l'Eros apparaît comme pacificateur… Tiens, ça me rappelle un vieux slogan… mais bon, je m'abstiens!

---Pourquoi faut-il absolument lire ce livre:
La richesse de la position Socratique:


-Pour la place que Socrate fait à la dimension féminine:
Dans les discours précédents, même comme objet de désir, le féminin était considéré comme inférieur au masculin (ce qui est un des axiomes de la pédérastie grecque). Socrate quant à lui préfèrera rapporter les propos d'une femme qu'il juge bien plus savante sur la question que ne l'ont été ses compagnons mâles dans leurs éloges. De plus, la définition que Diotime fait d'Eros le rattache à l'expérience intime féminine de l'enfantement: "Il est l'amour de la procréation et de l'accouchement dans de belles conditions" (206e)

-Parce qu'il dégage la thématique essentielle de l'altérité.
Socrate s'oppose au mythe d'Aristophane qui conçoit le désir comme volonté de retrouver une partie de soi. Il répond avec Diotime qu'il ne peut y avoir de désir de ce que l'on possède déjà: il n'y a de désir que du manque. L'amour n'est donc pas la recherche du même, mais de l'autre.
C'est d'ailleurs pourquoi Socrate refuse de faire un éloge d'éros qui consisterait à lui attribuer toutes les qualités, il préfère la démarche de Diotime de le décrire tel qu'il est:

-«D'abord il est toujours pauvre, et il s'en faut de beaucoup qu'il soit délicat et beau, comme le croient la plupart des gens. Au contraire, il est rude, malpropre, va-nu-pieds et il n'a pas de gîte, couchant toujours par terre à la dure, dormant à la belle étoile sur le pas des portes et sur le bord des chemins, car, puisqu'il tient de sa mère [Pénia], c'est l'indigence qu'il a en partage. A l'exemple de son père [Poros] en revanche, il est à l'affût de ce qui est bon, il est viril, résolu, ardent, c'est un chasseur redoutable ; il ne cesse de tramer des ruses, il est passionné de savoir et fertile en expédients, il passe tout son temps à philosopher, c'est un sorcier redoutable, un magicien et un expert.» (203c-d).


-Pour l'importance donnée à la dimension charnelle et sensible.
Lavax dans son avis a très bien montré que Platon loin de dénigrer systématiquement le sensible lui donne une place essentielle. La magie qu'opèrent les désirs charnels, est une voie essentielle de l'enrichissement de l'âme. Pour une critique de l'approche qui consiste à réduire la pensée de Platon à un dualisme sommaire, et pour un résumé de l'ascension de l'âme vers l'intelligible, rapportez vous à l'avis de Lavax qui est remarquable sur ces points là aussi.
L'amour physique a donc une place importante dans la philosophie Socratique, car il est une étape de la meilleure voie qui conduit au bien suprême (celle de l'éros). La question est de savoir si cette étape essentielle qu'est la sexualité, ne se limite pas à un rôle propédeutique ? N'est-elle pas comme une échelle qui n'a plus d'utilité une fois cette partie de l'ascension terminée ? (La suite de l'ascension devant se faire par des moyens moins charnels: des beaux corps on passe aux belles connaissances….).
L'éloge qu'Alcibiade fait de Socrate, n'est pas une simple digression par rapport au thème du banquet, elle permet d'apporter un éclairage sur cette question. Et là, je vais me permettre de contredire Lavax (mais sur un point de détail): Socrate est bien amoureux des beaux garçons, mais il ne fait pas l'amour avec eux… Un philosophe comme Socrate continue de rechercher la proximité physique avec les beaux garçons ; pourtant il ne les touche pas, ce qui pousse même les aimés à prendre des initiatives normalement réservées aux amants, et cela sans succès. La dimension charnelle reste donc essentielle, mais sous l'angle du désir, et non de son assouvissement: le plaisir….

  45 Commentaires
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par Jack78 H 40
02.11.2007

Intérêt 4/4
Style, qualité d'écriture 4/4
Note Générale 4/4
Les plus : Fondation de la philosophie
les moins : Sans

Comme Lavax, je suis très accro à la version Budé, mais au delà du plaisir de l'hélleniste quant au texte "original", la traduction Gallimard offre à qui le désire une approche fondatrice de l'Eros...
A lire sans hésiter !

 
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par Lavax F 300
24.11.2006

Intérêt 4/4
Style, qualité d'écriture 4/4
Note Générale 4/4
Les plus : Premier livre "érotique" occidental (en dehors des fragments d'Empédocle), texte d'une grande beauté, une des pièces philosophiques les plus simples et les plus difficiles, à lire et relire à tout âge
les moins : Aucun

L'édition ici proposée, pour une raison de prix, est celle de Luc Brisson.
Mais celle que je recommande est l'édition bilingue des Belles Lettres (Guillaume Budé) faite par Léon Robin, qui comprend le texte grec.
Titre grec: "Symposion"; sous-titre: "De l'Amour; ê péri erôtos".

Décisif pour la culture occidentale, ce texte de Platon s'interroge sur l' "éros" ou amour (désir amoureux), en opposition à l'amitié ou "philia".

On a à la fois un texte théorique et une pièce qui, à bien des égards, emprunte au style théâtral, avec mise en scène, personnages - au reste, on sait que Platon avait pour livre de chevet les comédies d'Aristophane.

Une des voies qui mène à ce désir de savoir (ou de sagesse - comme on voudra traduire "phileô" - j'aime, je désire, et "sophia" - terme qui désigne en grec à la fois l'habileté manuelle, le savoir ou la science des causes, et la sagesse pratique) qu'est la philosophie est le désir amoureux. Cela s'entend en un sens littéral: Socrate, maître de Platon, est amoureux des beaux garçons et fait l'amour avec eux (la pédérastie fait alors partie de l'éducation de tout jeune homme en Grèce antique; cf le joli texte de Félix Buffière, "Eros adolescent, la pédérastie dans la Grèce antique").
Mais qu'est-ce que l'amour? Quel rapport entre ce désir des beaux corps, ce désir des beaux discours, ce désir des belles connaissances? Qu'y a-t-il de commun entre toutes ces formes d'amour?

Chacun des convives du banquet est réuni pour tenter de définir l'amour. A la fin, quand tous sont ivres (sauf Socrate qui tient bien l'alcool!), Alcibiade, prêt à injurier son amoureux par jalousie, préfère, au lieu d'un discours théorique sur l'amour, faire récit de son amour fou pour le vieux Socrate: dès qu'il l'entend, son coeur bat; ses paroles le font pleurer; voilà qu'un soir, couché dans un lit contigu au sien, il est complètement transporté. Génie militaire d'une grande beauté, Alcibiade est pourtant mis sens dessus dessous, mis dans l'état d'un homme qu'une vipère a mordu, par un petit bonhomme laid et sans doute peu sympathique.

On a souvent fait comme si Platon méprisait la beauté sensible - cheveux, fesses, sexes. En réalité, (et Léon Robin justement l'a en maintes études montré; l'érudition actuelle fort heureusement ayant balayé la vision simpliste d'un Platon dualiste que son élève Aristote contribua à construire), nos sensations dans leur richesse sensuelle (les goûts, les odeurs, le toucher d'un corps, la vision d'une belle forme) fonctionnent comme déclencheur, élevant notre âme vers la beauté, la pensée, les idées; d'un beau sexe que j'aime, j'accède au désir d'une âme, au désir de connaître, et plus loin, au terme d'un long détour, peut-être un jour, à la philosophie.

En ce sens, l'érotisme est philosophique. Et la philosophie est érotique. Il s'y passe toujours quelque chose de l'ordre de l'amour. De même que dans l'amour, il se passe toujours quelque chose de l'ordre de la philosophie.

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